Une vigie empreinte d’une grande émotion s’est tenue à Châteauguay le 28 avril en hommage aux 10 victimes de féminicide survenus au Québec durant les premiers mois de 2021.
Rassemblées dans le stationnement du Quartier des femmes, rue Principale, à 11h30, quelques dizaines de personnes, des femmes majoritairement, ont observé une minute de silence. Les noms et les photos des victimes alignés sur le bord de la route surplombaient des fleurs et un lampion. À chaque bout, le mot clic #CestAssez.
« Merci pour cette minute de silence. Que ces femmes reposent en paix » a déclaré Nancy Mailly, intervenante au centre de femmes La Marg’Elle à Saint-Rémi, animatrice du moment solennel. À tour de rôle, des dirigeantes d’organismes voués aux femmes, le directeur général d’un organisme de soutien aux hommes violents, des élus et le directeur du service de police de Châteauguay ont pris la parole.
Nancy Mailly« Coups au cœur, coups de poing, coups de feu. Beaucoup trop de coups. Nous sommes ici pour dénoncer l’injustice, l’impensable, l’horrible, l’innommable », a dit Karine Morel, directrice générale de la maison d’aide et d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale avec ou sans enfants, La Re-Source à Châteauguay. « La réponse à la violence conjugale est plurielle. Elle se doit d’être collective, féministe, préventive, intersectorielle, communautaire, policière, juridique et gouvernementale », a-t-elle fait valoir.
Les autres intervenants ont abondé dans le même sens., « La violence faite aux femmes et aux enfants est un enjeu social majeur inacceptable. C’est l’affaire de tous. Il faut faire un front commun pour la dénoncer », a exprimé Nycolas Renault, directeur général d’AVIF, organisme offrant du soutien aux hommes violents.
« Nous nous devons d’écouter les femmes et de travailler tous ensemble pour enrayer la violence faite contre les femmes. La violence conjugale n’a pas de visage. Elle n’a pas d’âge. N’a pas de métier. Elle est sournoise. Nous devons tous ensemble nommer ce qu’est une relation amoureuse saine et égalitaire », a affirmé Gabrielle Juneau, directrice générale du Quartier des femmes.
Le maire de Châteauguay Pierre-Paul Routhier a observé que les 10 féminicides représentaient la pointe d’un iceberg. « Tout ce qu’on ne voit pas, a-t-il détaillé, c’est ce que je pourrais appeler des claques sur la gueule, des coups de poing, des meurtrissures émotives, des meurtrissures physiques, et toutes sortes de meurtrissures qui se passent à l’endroit des femmes. Ça me désole au plus haut point. »
Il a assuré que le conseil municipal actuel était « très préoccupé » par la violence faite aux femmes.
La mairesse de Mercier, Lise Michaud, a rappelé l’importance de demander de l’aide. « Il faut d’abord éduquer et faire comprendre aux gens qui souffrent que ce n’est pas un signe de faiblesse de demander de l’aide. Il faut faire connaître et partager les ressources qui sont disponibles pour les citoyens. Parce que des personnes qui souffrent ça en fait souffrir d’autres dans l’entourage. Les dommages sont permanents et irréversibles », a-t-elle mentionné. « Il faut éduquer nos garçons mais aussi nos filles à ne pas accepter l’inacceptable », a exhorté la mairesse.
Députée fédérale de Châteauguay-Lacolle, Brenda Shanahan a qualifié la violence conjugale de « pandémie silencieuse qui dure depuis trop longtemps ». Elle a salué les groupes communautaires de la région qui soutiennent les femmes et également AVIF. « On doit travailler ensemble. On doit être solidaires dans cette lutte », a affirmé la députée.
Directeur par intérim de la police de Châteauguay, Yanick Dufour a pris le micro en compagnie du directeur du service de police de Mercier, Steeve Boutin. M. Dufour a souligné que « le fléau de la violence conjugale fait l’objet d’un important partenariat » notamment avec les organismes communautaires. « Une chose est sûre, on va rehausser ensemble, comme collectivité, le niveau de protection des victimes de violence conjugale », a-t-il affirmé. « L’entourage est d’une importance capitale pour nous rapporter des événements qui seraient inquiétants. Souvent, pour la victime, c’est difficile de prendre le téléphone et d’appeler la police. Mais l’entourage peut nous appeler », a informé M. Dufour.
Outre des policiers de Châteauguay et de Mercier, des représentants de la Sûreté du Québec et de la Régie intermunicipale de police de Roussillon étaient présents. Des travailleuses du Centre de femmes l’Éclaircie à Sainte-Catherine étaient aussi sur place.
Les noms et les photos des victimes étaient alignés en bordure du stationnement où s’est tenu la vigie.Un geste important
Qu’est-ce que cette vigie a représenté pour l’animatrice du jour ? « C’est important pour nous parce qu’on travaille à l’amélioration des conditions de vie des femmes. C’est sû que c’est quelque chose qui nous touche personnellement en tant que femme et en tant qu’organisme communautaire. C’était important pour nous de faire quelque chose parce que ça dépasse notre entendement. Des choses comme ça, ça ne devrait pas arriver », a fait part Nancy Mailly, de la Marg’Elle.
Elle s’en est sortie
Après les allocutions, Valérie Bourassa s’est recueillie près des affiches des victimes de féminicide. Elle a apprécié l’initiative. « Ça représente vraiment de la solidarité, je suis intervenante psychosociale. J’ai vécu de la violence conjugale et ce n’est vraiment pas évident comme expérience », a témoigné la femme intervenante à la Maison du goéland à Saint-Constant. Ses yeux se sont remplis de tristesse. « J’ai vraiment été touchée par cette cause. Parce que quand on est pris là-dedans, on ne peut pas parler. Souvent on se sent seule mais on n’est jamais seule. C’est important de dénoncer et de dire que c’est assez. Les femmes qui se font tuer ça n’a aucun sens. C’est pour ça que ça me touche à ce point-là », a-t-elle affirmé.