C’est une nouvelle version de l’histoire du verre à moitié vide ou à moitié plein.
Il y a quelques jours, le ministre québécois des Finances, Éric Girard, s’est prononcé sur l’état de l’économie du Québec. Bonne nouvelle: le pire de l’inflation serait derrière nous et on peut s’attendre à ce qu’elle diminue en 2023. Mais tout n’est pas rose pour autant, parce que nous allons certainement vivre une période de stagnation, selon lui, sans espoir de croissance pour plusieurs mois.
Ce n’est pas la première fois qu’une telle situation se produit, mais elle prend quand même un tour particulier: toute période de ralentissement – sans même évoquer de récession – affecte le marché de l’emploi et provoque du chômage.
Or, de quoi entend-on parler, encore et toujours ces temps-ci? De rareté de main-d’œuvre. De pénurie de travailleurs. C’est du jamais-vu. Le plus récent relevé de Statistique Canada, pour le mois d’octobre, confirmait le phénomène: en fait, le pays continue de créer des emplois, pas d’en perdre. Et avec environ un million de postes à combler, on peut imaginer que les personnes qui deviennent disponibles ont de bonnes chances de pouvoir se recaser.
De là l’intérêt d’un commentaire que vient de produire l’ancien maire de Québec, Régis Labeaume, pour LaPresse.ca, et sur lequel je vais me permettre de faire du pouce.
Essentiellement, il souligne lui aussi le caractère «inédit» de l’environnement dans lequel nous sommes plongés. Mais il va plus loin que le seul constat: il exhorte le gouvernement du Québec à modifier sa stratégie. Pour lui, miser à tout prix sur la création d’emplois est devenu contre-productif. Au contraire, il importe maintenant de soutenir les employeurs actuels, et de travailler à augmenter notre productivité en investissant dans les nouvelles technologies, comme l’automatisation, pour atténuer le besoin constant de renfort dans les entreprises et organisations.
En même temps, pourquoi continuer de courtiser des entreprises internationales qui vont accroître la pression sur le marché du travail? Ou pire, des entreprises énergivores qui ne viennent ici que pour profiter de notre électricité abondante et abordable, alors que les surplus des dernières années fondent comme neige au soleil avec tous les contrats que signe Hydro-Québec, y compris pour l’exportation.
Charité bien ordonnée commence par soi-même, paraît-il. Mieux vaudrait utiliser nos ressources, à commencer par les gens, pour nos besoins immédiats et pour assurer la pérennité de notre économie.
Ce serait là un important changement de paradigme, de ne plus chercher à tout prix la création d’emplois comme nos gouvernements s’y sont attelés depuis des décennies. L’important, dorénavant, c’est la qualité avant la quantité, en espérant raffiner notre modèle économique pour nous adapter à cette rareté chronique de main-d’œuvre.