«À 34 ans, ce n’est pas normal de vivre avec des personnes âgées», croit Jocelyne Rousseau dont le fils, Rémi Van Winden, vit au Centre d’hébergement de La Prairie depuis 7 ans.
Aucun autre choix n’était pourtant possible pour son enfant victime d’un accident de VTT qui l’a rendu tétraplégique (sauf son bras gauche qui est fonctionnel) en 2001.
«Il aurait fallu que Rémi puisse aller vivre dans un centre doté d’appartements supervisés pour les jeunes à Montréal, mais il n’a jamais eu d’appel même s’il est toujours sur la liste d’attente», explique la maman qui reproche au gouvernement de ne pas en faire plus pour la qualité de vie des jeunes comme le sien.
Sans rien enlever aux excellents soins que reçoit son fils, Mme Rousseau remarque que «ce n’est pas intéressant pour lui d’être entouré de personnes âgées dont la plupart sont malades, crient ou pleurent.»
«Il est déjà prisonnier de son corps, il n’avait pas besoin d’une autre prison», dit celle qui a dû s’adapter au manque d’intimité avec son fils, aux aires communes et au va-et-vient continuel du personnel lors de ses visites.
Indépendant et plutôt solitaire, Rémi paraît agacé par la proximité des autres au quotidien.
«Je n’ai pas le goût qu’on joue au père ou à la mère avec moi», résume celui qui n’aime pas qu’on se mêle de ses affaires ou qu’on lui passe des commentaires.
Il n’a pas tissé de liens significatifs avec les résidents du centre.
«C’est dur de se faire des amis, avoue-t-il. J’ai plus d’affinités avec des gens du personnel. Les trois quart des amis que j’avais avant mon accident ne viennent plus me voir parce que c’est difficile pour eux de voir du monde qui souffre.»
Une nouvelle vie
Rémi s’estime malgré tout chanceux, puisqu’il voit la lumière au bout du tunnel. Grâce à une indemnisation d’assurance qu’il vient de toucher pour son accident, il s’est acheté un condo qu’il a fait aménager pour répondre à ses besoins. Il y habitera à temps plein d’ici quelques jours.
«J’ai hâte de me faire à manger et de mettre la musique au volume désiré, confie-t-il. Je ne suis plus capable d’être avec des personnes âgées. Il y a un monsieur sourd qui met la télé dans le fond.»
Le jeune homme a aussi hâte de cuisiner des plats à sa guise, comme des œufs pour déjeuner, au lieu de devoir s’en contenter une seule fois par mois.
Heureux au centre d’accueil
À l’opposé de Rémi Van Winden, Annie Savard, 36 ans, et Jacques Boisvert, 51 ans, ne partiraient pas du Centre d’hébergement Champlain-Jean-Louis-Lapierre à Saint-Constant pour tout l’or du monde. C’est d’ailleurs à cet endroit qu’ils se sont rencontrés et sont tombés amoureux l’un de l’autre, il y a quatre ans et demi, alors qu’ils ne pensaient plus la chose possible.
«S’il y avait un centre juste pour des jeunes, je n’irais pas. On vit ici, c’est notre famille. On est bien ici», résume Mme Savard, qui se déplace en fauteuil roulant motorisé tout comme son conjoint atteint d’ataxie.
Ses enfants – deux adolescents – viennent passer tous leurs samedis avec eux.
Le personnel fait son maximum pour accommoder le couple. Ils ont d’ailleurs aménagé la chambre de Mme Savard – voisine de celle de M. Boisvert – en salon, pour qu’ils disposent d’un appartement deux et demi privé une fois les portes du corridor fermées. De plus, ils dorment dans des lits collés.
Le quotidien avec des résidents âgés ne pose pas problème pour eux de manière générale.
«On a autant de fun avec eux autres, des fois même plus!» dit M. Boisvert qui est visiblement sociable et taquin.