Ils s’appellent Elisa, Carlos, Daniel. Après avoir fui la pauvreté ou retrouvé des proches au Québec, ils espèrent couler des jours heureux dans la région. Pour s’intégrer à leur nouvelle terre d’accueil, ils étudient le français à raison de 30 heures par semaine. Incursion dans l’édifice Sainte-Catherine où les barrières linguistiques et sociales n’existent pas.  

Lundi, 10h. C’est l’heure de la pause pour les étudiants de la classe de Chantale Martin. La gêne de réaliser une entrevue en français s’installe à l’arrivée de l’auteure de ces lignes, mais elle se dissipe après qu’une première personne se porte volontaire pour se présenter.

Venue du Brésil en 2017, Elisa Cerveira s’est longtemps débrouillée avec en poche quelques cours de français et sa connaissance avancée de l’anglais. Depuis l’entrée de son fils à la garderie, la résidente de Delson interagit toutefois difficilement avec les éducatrices. Puis, elle appréhende les discussions avec les autres parents.  

«Je pense au futur de mon enfant, confie la femme de 37 ans. Je veux être capable de parler avec les gens autour de moi qui sont importants pour lui. Tous mes voisins discutent en français.»

Inscrite à la classe de niveau 4 sur 6, celle qui maîtrise également le portugais vise une carrière dans le milieu de l’éducation, après avoir travaillé comme analyste en ressources humaines au Brésil. Elle remarque des similitudes entre le français et sa langue maternelle et se réfère à celle-ci.

«C’est plus difficile pour moi de le comprendre que de le parler, les Québécois parlent vite!» constate Mme Cerveira.

En immigrant au Canada en mai 2022, son camarade de classe Daniel Borrego a retrouvé plus que sa fille et ses petits-enfants. Il a gagné une qualité de vie qu’il n’espérait plus au Venezuela.

«Il n’y a pas d’eau, d’électricité, d’essence. Il y a beaucoup de pauvreté», décrit l’homme de 73 ans qui est venu avec sa femme.

L’ingénieur chimique qui a pratiqué son métier pendant 48 ans s’est inscrit au programme de francisation pour se débrouiller. Faire l’épicerie et conduire en lisant les panneaux de signalisation sont autant de défis dans son nouveau quotidien.

«Je me sens seul en n’étant pas capable de lire le français, note le retraité. Peut-être que je vais recommencer à travailler quand j’aurai terminé mes cours!»

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Daniel Borrego (Photo: Le Reflet – Denis Germain) 

Carlos Correra, lui, sait que s’exprimer en français pourrait lui permettre de renouveler avec sa profession d’avocat qu’il a délaissée en Colombie en novembre dernier.

«J’aimerais être avocat ici ou avoir un métier dans ce milieu, comme technicien juridique. C’est mon projet de vie», affirme-t-il en soulignant la gentillesse du personnel de l’établissement.

Ses parents et sa sœur sont des résidents de longue date du Canada, poursuit-il. Le père de 44 ans ne s’habitue pas encore au débit de parole des Québécois, lance-t-il à la blague.

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Carlos Correa (Photo: Le Reflet – Denis Germain)

Un lien se crée

La pause est terminée et Mme Martin aborde avec ses étudiants la notion de poser une question, puis d’y répondre. Celle qui enseigne au programme de francisation au Centre de formation générale aux adultes des Grandes-Seigneuries encourage ses ouailles.

«C’est gratifiant de voir leur évolution, convient-elle. Le contact peut être difficile au départ, mais un lien se crée toujours au fil du temps, notamment entre les étudiants eux-mêmes.»  

Après avoir enseigné à presque tous les niveaux de francisation, la détentrice d’un baccalauréat en éducation primaire connaît les trucs du métier.  

«La gestuelle est très importante. Je le faisais tellement avec les débutants que j’avais développé le réflexe de mimer ce que je disais même avec mes amis à l’extérieur de l’école!, raconte-t-elle en riant. Les dessins et les images aident beaucoup aussi.»

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Chantale Martin (Photo: Le Reflet – Denis Germain)

Plus que la langue

La complexité de l’accueil des immigrants est décuplée par le statut de ces derniers. L’édifice Sainte-Catherine du Centre de formation générale aux adultes des Grandes-Seigneuries accepte des ressortissants, des travailleurs saisonniers, des réfugiés et des Canadiens non francophones qui ont droit à la gratuité scolaire. Les réfugiés, demandeurs d’asile sans date d’entrevue, les visiteurs et les étudiants étrangers y ont aussi droit, mais doivent payer les frais de scolarité, explique Josée Chartrand, directrice de l’établissement.

Le centre fait plus qu’enseigner le français, il accompagne ses inscrits pour les intégrer à la communauté.

«On leur donne des informations sur le système de santé québécois, on les aide à créer leurs dossiers en ligne, à s’acheter une carte de transport en commun, etc. C’est comme si nous formions une grande famille», fait-elle remarquer.

«Ce que le personnel accomplit ici est plus de l’ordre du dévouement que de l’enseignement.» -Josée Chartrand, directrice  

Programme de francisation en bref

-Deux édifices, à Sainte-Catherine, sur le boul. Marie-Victorin, et à Châteauguay;

-À Sainte-Catherine, environ 130 étudiants inscrits au programme temps plein de jour, environ 95 inscrits au programme temps partiel le soir;

-Des étudiants provenant de 70 pays et parlant 37 langues maternelles différentes;

-Six niveaux de classe offerts, dont un plus avancé pour la recherche d’emploi