Alfred Cormier se souvient du Jour J

le mercredi 10 novembre 2021

MÉMOIRE. À 96 ans, Alfred Cormier demeure droit comme un chêne. Le vétéran qui a vécu le débarquement de Normandie a aussi la mémoire longue. Remplie d’histoires qu’il juge important de partager.

J’ai de bons souvenirs tandis que les mauvais, indique le résident de Valleyfield de 96 ans, faisant signe de les rejeter derrière lui. C’est ce que le docteur militaire m’avait dit de faire. Je n’ai pas été blessé sur le champ de bataille. Mais peut-être ici», ajoute-t-il en se pointant la tête.

Le Néo-Brunswickois a menti sur son âge à l’époque pour rejoindre l’armée. Il était alors le plus jeune de son régiment. Le North Shore lui permettait de se trouver un métier. Nourri et logé en plus. Il était volontaire et avait envie de voir de l’action. Alfred Cormier a été servi.

Le 6 juin 1944, il fait partie des quelque 150 000 hommes des troupes alliées déployés dans la zone d’invasion. Plus de 10 000 seront blessés ou tués. «On s’est fait bombarder par nos avions, se remémore-t-il. On a ensuite passé des jours près de la Belgique et de la Hollande à faire d’autres petites invasions sur des petites îles pour protéger Rotterdam. Des batailles face à face, armé de baïonnette. Souvent, je remercie mon ange gardien en haut de ne jamais avoir été blessé dans les attaques. »

Assis dans un petit salon du Sélection Valleyfield où il écoule des jours heureux, il n’est pas triste ou en colère de raconter ses péripéties. Pour Alfred Cormier, ce n’est pas dramatique. C’est un pan d’histoire qui a marqué son époque et les suivantes. «Beaucoup de jeunes ne savent pas qu’il y a eu une guerre, lance-t-il en rigolant. C’est aussi une histoire d’entraide et de camaraderie. »

Pour sa participation au débarquement de la Normandie, Alfred Cormier a été décoré de l’Ordre national de la Légion d’honneur par la France.  

Six ans dans l’arméer
Une fois la guerre terminée, Alfred Cormier a poursuivi son service militaire en Allemagne. À Wilhemshaven, il a œuvré dans la police. Les Russes y ont été chassés du territoire alors que de nombreux bâtiments et navires ont été détruits. «Qu’est-ce que vous voulez ? lance-t-il. C’est la guerre. »

Il conserve aussi des histoires plus heureuses, dont avec des fraulein (jeune femme en Allemand). Au terme de six ans dans l’armée canadienne, il est revenu au pays. Il s’est marié et s’est établi à Montréal. Il a travaillé 36 ans chez Eaton, non sans avoir utilisé un subterfuge qui lui a bien servi auparavant. «J’ai menti encore, dit-il en riant. Le lendemain du jour où je suis allé porter ma candidature, j’y suis retourné pour dire que j’avais un rendez-vous. À 11 h, je poinçonnais ma carte de temps !»

Le jour du Souvenir, il va regarder la parade militaire à Ottawa. Un devoir de mémoire. De respect et d’hommage pour les hommes qui, comme lui, ont servi le pays.
Après avoir terminé l’entrevue, Alfred Cormier a gratifié l’auteur de ces lignes d’un salut militaire.