Boucar Diouf, des hippopotames et l’art de raconter

le jeudi 2 novembre 2023

Parce que tout prétexte est bon pour discuter avec Boucar Diouf, Le Courrier du Sud s’est entretenu avec le Longueuillois à propos du Bourlingueur de Matungoua, son album jeunesse finaliste aux Prix littéraires du gouverneur général 2023. En revenant sur ce récit d’un jeune homme fasciné par les hippopotames, l’auteur aborde l’inclusion, l’espoir et les talents oratoires… de sa grand-mère. 

À la fin du livre, il est écrit que cette histoire était une commande de votre fille Joellie. Avait-elle déjà un récit à vous proposer?

«Elle voulait une histoire africaine, qu’elle aurait illustrée, parce qu’elle aime beaucoup dessiner. Quand je suis allée en Afrique de l’Est, au Burundi, j’ai vu des hippopotames sortir de la rivière et aller dans la ville. Ça m’a inspiré.
Joëllie devait tout illustrer, mais ça s’est gâché quand on a ri d’elle et de ses hippopotames qui étaient bizarres! François Thisdale, illustrateur de haut niveau, illustre finalement l’album.»

D’ailleurs, qu’apporte son travail à votre histoire ?

«De l’altitude! C’est un trampoline au texte. Les illustrations dans les albums jeunesse nourrissent l’imaginaire des enfants, au-delà du texte, qui lui, nourrit autre chose. Ça prend quelque qui s’approprie l’histoire en profondeur. François Thisdale a illustré ma trilogie sur le Saint-Laurent, le Bouglingueur et Aventures et sagesse du village de Zamboki.

À la fin, on a mis les deux dessins de Joellie, vu qu’elle avait abandonné!»

Que souhaitiez-vous transmettre ou mettre de l’avant avec cette histoire ?

«De l’espoir. Un jeune orphelin élevé par sa grand-mère connecte avec des hippopotames qui sont, selon sa grand-mère, responsables de la mort de ses parents. Et il va devenir un spécialiste des hippopotames. Ça parle d’inclusion. Je voulais aussi amener différemment la question de la biodiversité, montrer aux jeunes que c’est magnifique, un hippopotame. Même si ç’a n’a pas l’air joli et que ça ressemble à un tonneau flottant, il mérite qu’on s’y intéresse. C’est ce que fait le bourlingueur.» 

«C’est une histoire qui dilate la rate et touche le cœur.»
-Boucar Diouf

Votre garçon a dit en entrevue que le jeune héros, Zinalé, c’est vous. A-t-il raison ?

«Bien sûr! Ç’a été ma vie de jeunesse. J’ai été berger de vaches, de moutons, de chèvres pendant longtemps. J’ai un côté contemplatif. C’est moi, c’est ma vie. Ce rapport à la nature, de vouloir décoder et apprendre… Le chemin qui m’a mené à être biologiste est là. Je ne lui en avais jamais parlé, mais il a compris!»

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(Photo: Le Courrier du Sud – Ali Dostie)

Et vous, enfant, est-ce que l’on vous racontait souvent des histoires ?

«Les contes ont nourri mon univers de jeunesse. «Il était une fois», c’est puissant. Ça passe par l’oreille et ça peut toucher bien des endroits! Même si je dis toujours «Mon grand-père disait…», c’est un peu une injustice, car ma grand-mère était une raconteuse extraordinaire.  Mon père, mon grand-père, les amis de mon grand-père, j’étais entouré de raconteurs! Raconter des histoires, c’est génétique. Je mets dans des livres ce que me disait mon grand-père et ma grand-mère. Je l’écris à leur façon, et c’est peut-être ça qui touche les gens. Ça traverse le temps, l’espace, les générations.»

Finalement, est-ce que votre fille aime l’histoire du Bourlingueur ?

«Oui, elle trouve l’histoire fantastique. Elle a été la première à la lire. Mais quand elle a vu ses dessins qu’on a publiés dans le livre…ç’a créé de la bisbille [rires]!»

Les gagnants des Prix littéraires du gouverneur général du Conseil des arts du Canada seront connus le 8 novembre.

L’album jeunesse Le bourlingueur de Matungoua. (Photo: Le Courrier du Sud – Ali Dostie)