Cancer : un espoir de guérison à 90 000 $ en Californie

le mercredi 9 novembre 2022

La Châteauguoise Emilie Beauvais et sa famille s’envoleront pour la Californie le jeudi 10 novembre. Or, ce n’est pas pour y passer des vacances à la plage. Elle y recevra un traitement pour son cancer qui coûte 90 000$ américains qui n’est pas offert au Canada. Pour l’aider à payer cette importante dépense représentant son seul espoir de guérison, sa famille a démarré de sociofinancement qui lui a permis d’amasser 69 000$ en deux semaines.

Lorsqu’elle a eu le diagnostic de cancer du sein en 2019, les médecins étaient encourageants. «On m’avait dit que ce serait  »a walk in the park [une marche dans le parc]’’. C’est une forme très rare d’un cancer du sein, mais qui se guérit très bien», explique-t-elle. Il s’agit d’un carcinome adénoïde kystique. Ce type de tumeur représente moins de 1 % de tous les cancers du sein.

On lui a retiré la masse et elle a fait une ablation du sein par mesure préventive. Ces traitements ont fonctionné, la maladie était derrière elle.

Propagation aux poumons

En 2021, après la naissance de son deuxième enfant, elle a remarqué à nouveau une bosse similaire à ce qu’elle avait eue. Après une consultation médicale, on lui a confirmé une légère récidive en lui suggérant des traitements de radiothérapie, surtout à titre préventif. Dans le cadre des examens préparatoires à ce traitement, elle a fait une radiographie des poumons. «Emilie se rend chez le radio-oncologue pour y chercher ses résultats – une formalité – et il lui annonce comme ça: vos poumons sont remplis de métastases, c’est le stade 4 et surtout… il n’y a rien à faire», a écrit sa sœur Annick Beauvais dans le texte qui accompagne la campagne Gofundme.

Cette annonce, c’était au printemps 2022. À ce jour, elle ne ressent aucun symptôme, mais doit vivre avec cette épée de Damoclès au-dessus de sa tête. Les médecins ne lui ont pas donné de pronostic précis.

Après avoir encaissé la nouvelle, la Châteaugoise de 39 ans a effectué des recherches sur le web et les réseaux sociaux. Elle est tombée sur un groupe Facebook composé de 123 femmes qui ont eu le même type de cancer qu’elle. Emilie Beauvais a contacté une femme qui a aussi eu des complications aux poumons et qui lui a parlé d’un traitement en particulier.

La dame en question lui a répondu qu’elle se porte bien et qu’elle avait fait un traitement en Californie avec succès. Un médecin là-bas y pratique une forme de curiethérapie spécifique pour les cancers du poumon ainsi que le type de cancer dont souffre la Châteauguoise.  

Selon le site web du Dr Stephen Doggett, ce traitement est pratiqué en Californie depuis 1991. «Nous  avons maintenant implanté plusieurs centaines de patients, dont plusieurs dizaines avec carcinome adénoïde kystique», indique-t-on sur le site. Les tumeurs ne reviennent pas dans 90 % des cas, selon le site web.

«J’ai une formation en biologie, j’ai donc certaines connaissances et je suis à l’aise à lire des articles scientifiques, mentionne la mère de deux enfants. J’ai beaucoup lu sur le sujet et j’ai été encouragée.»

Emilie Beauvais a donc contacté la clinique. «J’avais droit à une consultation Zoom gratuite pour présenter mon dossier. Un radio-oncologue ici [au Québec] m’a aussi aidé à faire les démarches», explique-t-elle. Son cas a finalement été accepté par la clinique. «Ça se passera sur deux journées. La première journée c’est le poumon droit, la deuxième c’est le poumon gauche. Dans le fond, ils tuent les tumeurs avec une petite aiguille», vulgarise-t-elle.

«En réduisant la charge tumorale [taille des tumeurs], le risque de métastases vers d’autres sites est fortement réduit, ce qui peut prolonger la survie», indique-t-on sur le site de la clinique.

Élan de générosité

Bien entendu, recevoir un tel traitement aux États-Unis est très coûteux. «C’est sû qu’on s’endette pour ça», dit-elle. Sa famille a eu l’idée de lancer une campagne Gofundme pour l’aider. L’objectif est d’amasser 150 000$ pour couvrir les coûts du traitement et les dépenses associés au voyage.

Au moment de publier ces lignes, 78 000$ ont été amassés. «Ça fait vraiment plaisir. C’est comme une grande vague d’amour. Au début, j’étais vraiment mal à l’aise avec ça, mais je vois que ça touche les gens et je suis bien entourée», commente-t-elle, très reconnaissante de la générosité des gens.

Elle souhaite maintenant que le traitement fonctionne et qu’elle puisse voir grandir ses enfants de 2 et 5 ans.  

Au Québec

Le Journal a tenté de savoir pourquoi ce type de traitement n’était pas offert au Québec. L’Institut national en santé et services sociaux (INESSS) qui fait les évaluations de traitements offerts dans la province a indiqué qu’il n’a pas réalisé de travaux sur le sujet. «Malheureusement, nous ne pouvons donc pas nous prononcer sur le sujet», laisse savoir Olivia Jacques, conseillère en communication à l’INESSS. Pour sa part, Mme Beauvais avait eu comme information qu’il n’y a pas suffisamment de cas pour valider des recherches et autoriser sa pratique. 

De son côté, le ministère de la Santé et des Services sociaux a indiqué au Journal que « Les preuves scientifiques disponibles actuellement ne permettent pas de reconnaître la valeur thérapeutique du traitement offert. Ce dernier, selon les informations obtenues, serait disponible uniquement dans un cadre très expérimental», écrit Marie-Claude Lacasse, coordonnatrice aux relations avec les médias au Ministère.

«Pour qu’un tel traitement soit offert au Québec, il faut que son efficacité et sa valeur thérapeutique soient démontrées par les données probantes (avis favorable de l’INESSS, publications scientifiques revues par les pairs, guides de pratiques de sociétés savantes) et que l’expertise médicale et les équipements requis soient disponibles localement», poursuit-elle en soulignant que le Ministère est conscient qu’une récidive de cancer est éprouvant.

Elle mentionne que le ministère de la Santé «recommande la plus grande prudence en ce qui a trait au tourisme médical, surtout pour les services non assurés par le réseau public ou les traitements non approuvés au Québec ou non reconnus par la communauté scientifique».