Être gauchers dans un monde de droitiers

le mercredi 12 août 2015

Petite minorité, ils représenteraient de 12 à 15% de la population en Amérique, les gauchers survivent dans un monde de droitiers, dans lequel ils sont bien souvent oubliés. À l’occasion de la Journée internationale des gauchers, qui est célébrée le 13 août, les gauchers souhaitent mettre en valeur leur différence.

«Les gauchers sont mieux perçus aujourd’hui, du moins ici au Québec, lance le quadragénaire Frédéric Morency, qui travaille à Saint-Sulpice. Quand j’étais jeune, il y avait une certaine pression à nous faire écrire de la main droite. Lorsqu’on écrivait à l’encre, on salissait les cahiers et on se faisait sermonner. Je me souviens aussi que les sœurs donnaient des coups de règles sur nos bureaux lorsqu’elles nous surprenaient», poursuit le gaucher.

Depuis 2012, il existe un Club des gauchers du Québec fondé par Léonard Normand, lui-même gaucher. Le club compte près de 430 membres et quelque 875 adeptes sur le réseau social Facebook.

«L’idée était de regrouper les gauchers comme bien des groupes minoritaires le font. Le but est surtout de se faire connaître et apprécier. Les droitiers ne connaissent pas nos difficultés au quotidien. En tant que gauchers, nous sommes défavorisés», explique M. Normand.

Selon lui, si les gauchers sont mieux acceptés de nos jours, ce n’est pas étranger, entre autres, à l’ouverture des Québécois face aux différences des autres.

«Après la Première Guerre mondiale, beaucoup de soldats ont dû se faire amputer le bras droit et vivre de la main gauche. Le public a dû s’adapter et accepter les gens différents. Ça a beaucoup aidé la cause des gauchers», raconte-t-il.

Pour comprendre la perception des gauchers à une certaine époque, il suffit de porter attention à de nombreuses expressions et à leurs significations, telles que «se lever du pied gauche», qui signifie être de mauvaise humeur, ou «être gauche», soit être malhabile.

«Je n’accorde pas d’importance à ces expressions, mais il reste qu’elles témoignent à quel point la main gauche était mal perçue. Je me souviens lors d’un voyage au Maroc, j’ai dû manger de la main droite puisque pour eux, la main gauche est encore vue comme la main « malpropre ». On m’avait bien averti. Souvent, j’essaie de tourner ça en riant, et à mon avantage», partage M. Morency.

Adaptation

Aujourd’hui, Frédéric Morency n’accorde pas trop d’importance aux pressions sociales dont il a été victime plus jeune.

«Je me sentais différent, mais à la maison, c’était respecté puisque mon père aussi était gaucher. Par contre, à l’école, il est certain que je devais m’adapter. Les pupitres, les cahiers et même l’équipement de sport, tout était pour les droitiers», se rappelle-t-il.

Aujourd’hui, il ne célèbre pas nécessairement la journée des gauchers, mais dit faire des blagues sur le sujet avec ses amis gauchers.

Léonard Normand, quant à lui, va plus loin dans ses réflexions sur la nécessité des gauchers à s’adapter à l’environnement pensé pour les droitiers.

Comme exemple, il donne les cahiers d’écriture et les cartables qui ne facilitent pas la tâche aux gauchers, dont les mouvements sont gênés par les reliures centrales. Aussi, à table, les gauchers doivent idéalement occuper les sièges aux extrémités s’ils veulent manger aisément et sans gêner le droitier à sa gauche.

«Le problème se présente aussi quand on ouvre une porte, on doit prendre notre main droite pour ne pas recevoir la porte en plein visage, ou encore, à la banque, pour signer des documents avec le crayon attaché au comptoir, nous nous retrouvons à écrire la main dans le vide, poursuit-il. Le problème se pose aussi dans la cuisine avec l’économe et les couteaux dont les lames sont conçues pour couper de la main droite, tout comme, à l’école, avec l’aiguisoir à crayons.»

En cette Journée internationale des gauchers, Léonard Normand invite les gauchers à tendre la main gauche en guise de sensibilisation.

«C’est un geste que je pose et qui fait réagir les droitiers qui souvent doivent transférer leurs choses tenues de la main gauche pour nous saluer», dit-il avec un léger sourire dans la voix.