Exode vers les services de garde privés

le mercredi 4 janvier 2017

Pour une rare fois, le Centre de la petite enfance (CPE) La mère Schtroumph à Saint-Constant n’a pas réussi à combler toutes ses places. Les services de garde en milieu familial qui y sont rattachés peinent aussi à trouver tous leurs enfants.

«Sommes-nous rendus à devoir faire des annonces sur Facebook?» se questionne la directrice générale du CPE, Louisette Dionne. Elle soutient n’avoir jamais vu ça.

Deux places pour des enfants de 4 ans sont disponibles dans son CPE et il ne reste plus d’enfant de cet âge sur la liste d’attente.

Diverses raisons expliquent cette situation, selon elle. L’une d’elles est l’ouverture des maternelles aux enfants de 4 ans. Une décision avec laquelle la directrice n’est pas d’accord. «C’est ridicule d’envoyer un enfant de 4 ans dans une école. Ce n’est pas adéquat. Les CPE sont là», martèle Mme Dionne.

La situation est similaire pour les trois installations du CPE Kateri. Isabelle Terrault, directrice générale, mentionne qu’un enfant de 4 ans a quitté récemment et que sa place n’est toujours pas comblée. «Avant, n’importe qui aurait accepté un transfert en cours d’année pour venir en CPE», dit-elle.

Depuis novembre 2015, les services de gardes subventionnées sont obligés de combler leurs places disponibles avec la liste d’attente «La place 0-5».

Modulation des tarifs

La modulation des tarifs et la multiplication des services de garde privés sont d’autres facteurs, croient les directrices, qui ont amené les parents à délaisser les garderies subventionnées à 7,55$ par jour au profit des garderies privées.

«Avant, les services de garde privés étaient chers et les parents n’osaient pas. Ils suppliaient pour que leur enfant puisse entrer dans un CPE», dit la directrice du CPE La mère Schtroumph.

Aujourd’hui, c’est possible puisqu’ils reçoivent un remboursement anticipé une fois par mois. Dans les milieux subventionnés, les parents paient le montant minimal et doivent débourser la différence lors des impôts.

Mme Terrault indique que quelques familles lui ont mentionné se tourner vers le privé. Sinon des mères préfèrent rester à la maison parce que c’est plus économique pour elles.

«Avec un certain salaire ça leur coûte moins cher au privé qu’au public, c’est déloyal et ça dévalorise le secteur public», affirme-t-elle.

Mme Dionne soutient que certaines éducatrices œuvrant en milieu familial ferment leur garderie faute de pouvoir combler leurs places. Parfois, elles cessent d’être subventionnées pour devenir privées.

«On a vu une baisse du nombre de milieux familiaux subventionnés et il n’y a plus de candidates intéressées à le devenir sur notre liste», indique-t-elle.

Pas de vérification

Mme Dionne déplore que n’importe qui puisse ouvrir une garderie privée à domicile sans qu’aucune vérification ne soit faite. «L’État a permis que les enfants aillent n’importe où», dénonce-t-elle.

La Loi sur les services de garde permet à quiconque d’ouvrir un service de garde. La seule restriction est que la personne n’accueille pas plus de six enfants sans les siens. Aucune vérification n’est effectuée par le ministère de la Famille, indique la porte-parole Nadia Caron.

«Les parents doivent être vigilants s’ils laissent leur enfant dans un service de garde non régi», soutient-elle. Le ministère intervient uniquement en cas de plainte.

Dans un milieu familial subventionné, le service de garde est rattaché au bureau coordonnateur qui effectue trois visites-surprises par année afin d’évaluer le service offert. Des vérifications d’antécédents sont aussi effectuées avant d’obtenir l’autorisation d’ouvrir.

Mme Caron affirme que le ministère ne détient pas de statistiques sur le déplacement des enfants vers les milieux privés à la suite de la modulation des tarifs et n’émettra pas de commentaires à ce sujet.

 

Modulation des tarifs

Le gouvernement libéral a changé la tarification des services de garde en le modulant en fonction du salaire. Par exemple, pour 2016, si le revenu familial se situe sous 50 545$, les parents paient 7,55$ quotidiennement. Si leur revenu est plus élevé, ils doivent débourser entre 8,25$ et 20,70$ par jour.