Handicapé pour un gouvernement, mais pas pour l’autre

le mercredi 24 octobre 2018

En rémission d’un cancer colorectal, Alain Fournier a gardé des séquelles de son opération qui l’empêchent quatre ans plus tard de travailler. Alors que le gouvernement du Canada reconnaît son statut de personne handicapée, Québec refuse de lui verser des rentes d’invalidité, soutenant que son état n’est pas assez grave.
En février 2014, l’ancien propriétaire du Casse-croûte du coin à Delson a subi une opération, mais la plaie a mal cicatrisé.
«J’ai recommencé à travailler quelques mois plus tard comme camionneur, sauf que j’allais à la selle 15 et 20 fois par jour. Dès que je faisais le moindre effort, j’avais des saignements.»
En septembre 2017, les saignements se sont aggravés au point de l’empêcher de travailler. Il a été hospitalisé et a également passé des tests à l’Institut de cardiologie de Montréal où il a reçu un diagnostic de fibrillation auriculaire permanente. Il est intolérant à l’effort important et s’essouffle facilement, une condition qu’il vit encore aujourd’hui.
«Je ne suis pas capable de couper mon gazon en une seule fois. Je commence et après quelques pas, je suis essoufflé et je dois continuer le lendemain, raconte l’homme de 57 ans. Les employeurs ne me veulent pas parce que je pourrais faire une crise de cœur à n’importe quel moment.»
Suivant la recommandation de son médecin de famille, il a quitté son emploi et a fait des demandes auprès des gouvernements fédéral et provincial pour recevoir de l’aide. Le premier lui a confirmé qu’il répondait aux critères pour recevoir le crédit d’impôt pour personnes handicapées, le 1er mai 2018.
«Vous pourriez avoir le droit de demander le montant pour personnes handicapées pour l’année d’imposition 2014 et les années suivantes», lui a écrit l’Agence du revenu du Canada.
Il a rempli une demande semblable pour recevoir des rentes d’invalidité du Québec, mais cette dernière lui a été refusée huit mois plus tard.
«Nous ne pouvons vous déclarer invalide, car votre condition médicale n’est pas suffisamment grave pour vous empêcher d’exercer un emploi à temps plein», a indiqué Retraite Québec, le 27 août 2018.
«Comment peut-on me dire que ma situation n’est pas assez grave? Qu’est-ce qu’ils leur faut de plus?» rage le résident de Delson.
Néanmoins, il a refait une autre demande auprès de Retraite Québec. Son médecin de famille lui a rédigé une lettre attestant de sa condition médicale.
«De mon humble avis, un retour au travail dans son domaine me semble utopique. Une formation autre dans le cadre d’une réorientation me semble très difficile, voire non concevable», écrit son médecin Cheetbahal Boodhum, le 7 septembre 2018.
Deux semaines avant les élections du 1er octobre, M. Fournier a rejoint le bureau du député de sa circonscription à l’époque, Richard Merlini. On lui a indiqué que sa seconde demande avait de nouveau été refusée. Il veut maintenant faire appel au nouveau député, Christian Dubé.
«Ça fait 10 mois que je ne reçois plus de salaire. Je suis en train de perdre ma maison, je vais devoir faire faillite. Ma femme travaille à temps plein, mais elle ne peut pas subvenir totalement à nos besoins. Je suis chanceux de l’avoir, c’est elle qui me garde en vie», laisse-t-il tomber, émotif.
Condition grave
La direction des communications de Retraite Québec a indiqué au Reflet qu’elle ne commente aucun cas particulier. Elle a toutefois précisé qu’une personne de moins de 65 ans est considérée comme invalide si elle est atteinte d’une condition médicale grave qui l’empêche d’exercer, à temps plein, tout genre d’emploi.
«Cette condition médicale doit être permanente, c’est-à-dire qu’elle doit durer indéfiniment sans aucune amélioration possible avec des traitements en cours ou à venir», explique Shanie Lévesque-Baker, conseillère en communication.
Il est possible pour un client qui n’est pas satisfait d’une décision rendue par Retraite Québec, de demander une révision dans un délai maximal de 90 jours suivant la date à laquelle nous lui avons fait part de notre décision, rappelle-t-elle, ce que M. Fournier a fait après son premier refus, le 27 août.