Les quelque 4,6 millions de contribuables québécois qui profiteront des baisses d’impôt annoncées par le ministre Éric Girard devraient remercier René Lévesque… de manière posthume, lui qui a piloté la nationalisation de l’électricité au Québec.
Pourquoi? Parce que c’est en bonne partie le dividende record que vient de verser Hydro-Québec au gouvernement – 3,4 milliards $ – qui lui donne une marge de manœuvre supplémentaire. Dans les faits, on évalue à 1,7 milliard $ le coût de ces baisses d’impôt, exactement la moitié de la contribution d’Hydro-Québec.
Ce n’est évidemment pas la seule raison qui explique la relative bonne santé des finances du Québec. Le déficit appréhendé pour l’année en cours est moindre que prévu: il y a un an, on l’imaginait à 6,5 milliards $, le calcul a été revu à 5 milliards $. Le gouvernement peut ainsi annoncer une hausse de 7,7 % des dépenses en santé, puis de 6 % pour l’éducation.
Qui plus est, le spectre d’une dure récession s’estompe, au point où on se demande s’il y en aura même une. L’inflation est en train de diminuer; elle se situait à 5,2 % en février (sur un an), comparativement à 5,9 % en janvier, même si le prix du panier d’épicerie continue de grimper. Mais dans l’ensemble, les pressions diminuent sur l’économie.
De là ce pari audacieux – voire risqué, selon certains – de remettre de l’argent dans les poches des contribuables. Oui, c’était une promesse électorale de la CAQ, mais les demandes arrivent de toutes parts et on ne sait jamais de quoi sera fait l’avenir. Croisons-nous les doigts, mais il suffirait d’une nouvelle crise, sanitaire ou autre, pour ébranler les belles prévisions.
Évidemment, pour bénéficier de cette baisse d’impôt, qui peut aller jusqu’à 814$, encore faut-il en payer… ce qui explique en bonne partie pourquoi elle ne fait pas l’affaire de tout le monde. D’autres critiques auraient souhaité des réinvestissements plus importants dans les grandes missions de l’État. Il faudrait également plus de fonds, disent-ils, pour contrer la pauvreté, la crise du logement, la rareté de main-d’œuvre, les changements climatiques ainsi que les nombreux obstacles qui se dressent sur notre route. Reste qu’il y a longtemps qu’on n’a pas vu d’allègements fiscaux de cette ampleur. Profitez-en pendant que ça passe!