L’habit ne fait pas le flic

le mardi 14 décembre 2021

La policière qui descend de son autopatrouille dans le stationnement de la Halte du coin, un refuge pour personnes en situation d’itinérance du Vieux-Longueuil, n’est pas là pour interpeler un individu. C’est plutôt l’inverse qui se produit.

«Hey Émilie!»

Reconnue par un usager du refuge, la policière Émilie Daigle est l’une des 17 agents du Service de police de l’agglomération de Longueuil (SPAL) qui sont désormais affectés au Réseau d’entraide sociale et organisationnelle (RÉSO). Ces derniers interagissent avec des clientèles vulnérables comme des toxicomanes, des personnes en situation d’itinérance, des victimes de violence conjugale, d’agressions sexuelles ou de maltraitance.

Quand l’homme qui s’approche d’Émilie dans le stationnement, il lui confie une problématique auquel il est confronté et il sait qu’il obtiendra écoute et soutien.

Pour sa part, la policière n’arrive pas dans le quartier comme un cheveu sur la soupe… populaire. Elle a pris le temps d’apprendre à connaître les gens qui fréquentent la Halte du coin au cours de ses patrouilles dans le quartier.

Désormais assise à une table à l’intérieur de l’église Notre-Dame-de-Grâce, que l’organisme loue au diocèse pour héberger ses ouailles, Émilie Daigle échange avec les usagers et note leurs coordonnées dans son calepin afin de pouvoir prendre de leurs nouvelles. Elle leur donne également son numéro de cellulaire pour qu’ils puissent l’appeler en cas de besoin.

«Vous avez reçu de bonnes nouvelles, Mme Bernier?», demande-elle à une femme.

«Oui, de très, très bonnes. J’hésitais un peu hier, mais j’ai dit oui», lui répond celle-ci.

La bonne nouvelle de Mme Bernier, c’est qu’elle a trouvé un appartement. La policière la félicite et l’encourage tout en la complimentant sur son sourire contagieux.

«J’ai beaucoup travaillé dans le secteur, dans la thématique de l’itinérance, explique-t-elle ensuite au Courrier du Sud celle qui patrouille dans les rues de l’agglomération depuis 13 ans. J’aime ça connaître l’histoire des gens, jaser avec eux. On va connaître les individus, les familles, leur histoire. Parfois de petites nuances font toute la différence dans une intervention.»

Elle espère que le travail des policiers RÉSO puisse décharger les patrouilleurs des interventions à caractère social.

«En plus, on pourra prendre le temps d’écouter les gens [en difficulté], poursuit-elle. Les patrouilleurs sont des spécialistes en urgence. Il y a d’autres appels qui entrent pendant leurs interventions et ils doivent partir rapidement.»

«Ça diminue la méfiance, estime la nouvelle mairesse de Longueuil, Catherine Fournier. Le fait de se connaître sur le plan humain, ça aide à faire tomber beaucoup de barrières. On n’est plus juste dans une approche de répression.»

Mme Fournier croit que le projet réduira le nombre d’appels d’urgence. «Les patrouilleurs pourront ainsi se concentrer sur les appels de nature criminelle», poursuit-elle en évoquant une éventuelle augmentation des effectifs RÉSO lorsque les appels d’urgence auront diminué.

 

Apprendre à se connaître

Les 17 patrouilleurs du SPAL qui se sont portés volontaire pour intégrer le projet RÉSO ont suivi une formation consistant en une immersion de cinq semaines en milieu communautaire.

«Il y avait de la méfiance de part et d’autre au début du projet, relate le directeur de la Halte du coin, Nicholas Gildersleeve. Des usagers craignaient de dévoiler des aspects de leur réalité et des intervenants s’inquiétaient pour la confidentialité de leurs interventions cliniques.»

Même certains futurs policiers – l’organisme accueille des étudiants en technique policière qui souhaitent se familiariser avec le milieu communautaire – sont parfois méfiants envers ces personnes, explique M. Gildersleeve.

Habillés en civil et dépouillés de leur arme, les policiers du projet RÉSO ont appris à côtoyer cette clientèle, d’être humain à être humain. «Lorsque les policiers sont venus en immersion, on ne les remarquait pas, confie le DG. Ils se fondaient dans la masse.»

Emballé par l’approche RÉSO, M. Gildersleeve espère qu’elle fera boule de neige et que le climat de confiance percolera au sein de l’ensemble du SPAL. Il souhaite que l’approche communautaire soit intégrée à la formation des policiers afin qu’ils développent une sensibilité envers cette clientèle vulnérable.

 

«Aujourd’hui, le policier en uniforme, on ne le voit plus parce qu’il y a un être humain qui vient nous rencontrer tous les jours, qui vient échanger sur les problématiques et qui crée des liens avec les personnes.»

– Nicholas Gildersleeve, dg de la Halte du coin