La difficile invisibilité des aînés de la communauté LGBTQ+

le mardi 20 avril 2021

Encore aujourd’hui, les aînés issus de la communauté LGBTQ+ font face à des préjugés et vivent dans l’invisibilité, déplore un organisme du milieu. Mandatée par le ministère de la Santé et des Services sociaux, la Fondation Émergence présentera sa conférence Pour que vieillir soit gai, le 22 avril, dans le cadre d’une tournée régionale virtuelle. Celle-ci vise à sensibiliser les gens travaillant avec les principaux intéressés.

Le pourcentage estimé de la population aînée LGBTQ+ est de 10%. Les personnes âgées qui s’identifient ouvertement homosexuelles ou transsexuelles sont néanmoins plutôt rares. Julien Rougerie, chargé de programmes à la Fondation Émergence, aborde la notion d’invisibilité pour expliquer leur réalité.

«Ce sont des personnes qui sont complètement invisibles parce qu’elles ne se sentent pas à l’aise, pas en sécurité de dire qu’elles sont LGBTQ+, soutient-il. Ç’a plusieurs conséquences, principalement l’isolement social parce que quand on ne peut pas être soi-même, on ne peut pas connecter avec les autres.»

Aux personnes qui estiment que cet aspect relève de leur vie privée, M. Rougerie fait valoir que «c’est plutôt qui elles sont, nuance-t-il. C’est un effort de rester dans le placard. Ça finit par vous brimer socialement, créer des dynamiques de santé mentale.»

Anxiété, faible estime de soi, réticence à utiliser les services de santé et à demander de l’aide font également partie des conséquences. Faut-il rappeler qu’il n’y a pas si longtemps, dans les années 1960, l’homosexualité était criminalisée au Canada. La plupart des aînés qui sont sortis du placard l’ont fait tard dans leur vie, après l’âge de la retraite, fait savoir M. Rougerie.

«La majorité d’entre eux ont été engagés dans un mariage hétérosexuel et ont eu des enfants, révèle-t-il d’ailleurs. Ç’a été plus compliqué pour eux de sortir du placard, parce que c’est plus difficile dans une telle situation de rompre avec l’image que nos proches ont de nous.»
«C’est un peu comme une prison mentale, le placard.»

-Julien Rougerier
Du chemin à faire pour l’inclusion

La conférence Pour que vieillir soit gai est ouverte au grand public, mais s’adresse avant tout au personnel des milieux pour aînés.

«C’est bien de passer par le personnel d’abord parce que c’est lui qui a la clé pour offrir des services inclusifs», indique Julien Rougerie.

Le chemin à faire est encore grand afin d’offrir aux aînés LGBTQ+ un environnement sécuritaire où ils peuvent être eux-mêmes. Alors que la Fondation Émergence forme environ 1 500 personnes par année, ce sont les résidences pour aînés qui sont les plus difficiles à rejoindre. «On n’a pas de ça chez nous», répondent certaines d’entre elles lorsque contactées par la Fondation.

«L’attitude est parfois de trouver ça intéressant, mais de retourner la situation en disant que “ce n’est pas nous qui devons être plus ouverts, mais plutôt nos résidents. Nos résidents sont âgés, ils sont forcément plus homophobes, intolérants et transphobes que la moyenne”» exemplifie M. Rougerie.

L’intervenant soutient qu’il ne faut pas tomber dans l’âgisme et les généralités. «C’est sû qu’ils ont eu un parcours de vie où ils ont intériorisé plus d’homophobie et de transphobie parce que c’était très présent dans l’environnement, mais il ne faut pas tomber dans l’âgisme et généraliser, nuance-t-il. Quand on fait des interventions auprès des aînés, dès qu’on aborde le sujet, tout le monde a son histoire à raconter.»

Il est possible de s’inscrire à la conférence du 22 avril sur le site Internet ou la page Facebook de la Fondation Émergence. Elle est également offerte gratuitement à tous les milieux qui en font la demande.

Coming out

Selon Julien Rougerie, la formation Pour que vieillir soit gai permet de nombreux échanges intéressants. L’objectif est de faire comprendre aux milieux pour aînés que «c’est leur responsabilité de faire un effort», dit-il.

«Quand les intervenants utilisent le bon vocabulaire, qu’ils sont proactifs dans la démonstration d’ouverture, qu’on renverse le fardeau de qui doit être accueillant, c’est là que progressivement les gens vont en parler.»

Une personne qui en parle peut entraîner un effet boule de neige. C’est d’ailleurs ce qui se produit parfois pendant les conférences.

«Quand ils voient que leurs collègues ont une réaction plutôt positive, ils en profitent parfois pour faire leur coming out, explique-t-il. Comme quoi, quand ceux qui ne sont pas homophobes – et c’est la majorité de la population – ont l’occasion de l’exprimer, ça les identifie comme alliés et ça met les personnes à l’aise de le dire.»