La forêt de la région sous pression

le mercredi 11 mai 2022

L’organisme environnemental Ambioterra tente d’offrir des pistes de solution aux municipalités de la Montérégie-Ouest afin de sauvegarder les espaces verts de la région. Malgré une sensibilisation accrue sur l’importance de préserver de cette biodiversité, le couvert forestier reste menacé par l’activité humaine. 

« Avec plusieurs municipalités, on a fait récemment un atelier de sensibilisation qui vise à brosser un portrait de l’état de la forêt en Montérégie-Ouest. On leur offre par la suite des pistes de solutions et de recommandations afin qu’ils prennent soin de leurs arbres », a expliqué d’emblée Stéphane Gingras, chargé de la protection de la biodiversité chez Ambioterra.

Des villes comme Vaudreuil, Saint-Anicet, Ormstown ou encore, Les Côteaux ont accepté de participer à l’atelier afin de prendre connaissance des possibilités de préservation qui s’offrent à eux. Châteauguay a indiqué cependant qu’elle n’était pas intéressée par la proposition d’Ambioterra, a précisé M. Gingras.

L’arbre est un obstacle

« Dans le milieu agricole, l’arbre est malheureusement perçu comme une nuisance. Les agriculteurs font ce qu’ils veulent sur leur terrain, ils peuvent couper leur boisé à blanc si ça leur chante, il n’y a rien qui les empêche de le faire et c’est ce qui se passe encore actuellement. Malgré ce que le gouvernement dit, il n’y a aucune protection des forêts en milieu agricole », déplore-t-il.

Entre 2009 et 2017, c’est 20 000 hectares de forêts qui ont disparu sur le territoire de la Montérégie. D’après M. Gingras, 70% de cette superficie est dû aux activités agricoles et le couvert forestier est présent sur seulement 15% du territoire des MRC de Roussillon et de Beauharnois-Salaberry.

Selon lui, la règlementation demande notamment que l’on laisse trois mètres de végétation à partir de la ligne des hautes eaux; ce qu’on appelle communément des « bandes riveraines » et elles servent à filtrer la pollution, contrôler l’érosion et améliorer la qualité de l’eau. La réalité est tout autre, il affirme cependant que « les bandes riveraines sont inexistantes pratiquement et il n’y a aucune municipalité qui met en application cette directive ».

L’UPA en action

De son côté, l’Union des producteurs agricoles de la Montérégie semble vouloir rectifier le tir avec un projet d’aménagement des bandes riveraines agricoles dans la région. Cette initiative débutée au mois d’avril, et qui touche notamment les MRC de Roussillon et de Beauharnois-Salaberry, consiste à l’ensemencement de 900 km de bandes riveraines réglementaires de type herbacé sur 2 ans (2022-2023) par des producteurs agricoles volontaires.

« Ce programme sera financé à la hauteur de 300 000 $ par le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH) dans le cadre du volet Soutien au rayonnement des régions », indique Caroline Deschamps, coordonnatrice aux communications de la Fédération de l’UPA de la Montérégie.

Pas de surexploitation dit-on

Martin Larrivée, directeur général du Syndicat des producteurs forestiers du sud du Québec, estime pour sa part que nous sommes encore très loin de la surexploitation de la forêt et qu’au contraire, il s’agirait plutôt d’une situation de sous-exploitation en Montérégie.

« Pour l’ensemble de la région, on récolte à peu près 20% de la possibilité forestière, qui est en fait le volume de bois qui pousse en une année; 80% n’est donc pas utilisé du tout. De mémoire, dans le coin de Châteauguay, on devrait même être à 7 ou 8% de cette possibilité forestière », annonce-t-il.

Diminution des espaces verts

L’année dernière en Montérégie, c’est un volume de 107 000 mètres cube d’arbres qui a été abattu pour aller dans les usines de transformation ou pour le bois de chauffage; c’est l’équivalent d’environ 600 camions semi-remorques remplis de troncs d’arbres observe M. Larrivée.

« Dans les années 1980-90, il y a eu des pratiques douteuses où les propriétaires procédaient à des coupes sévères dans les boisés et il n’y avait pas vraiment d’encadrement pour réguler tout ça. Aujourd’hui, la forêt est toujours sous pression sur la rive-sud de Montréal. Depuis 20 ans, 4000 hectares de forêt ont disparu à cause de l’urbanisation », concède le directeur général.

Des solutions possibles

Stéphane Gingras offre généralement quatre recommandations aux municipalités qui voudraient contribuer à la préservation de leurs boisés.

« Maintenir le couvert forestier actuel, adopter des règlements pour maintenir ces couverts, augmenter la présence des arbres et arbustes dans les fermes et reboiser massivement les essences feuillues endémiques dans les régions en friche sont des pistes de solutions pour ceux et celles qui veulent faire bouger les choses », fait-il observer.

M. Gingras espère que certaines municipalités iront dans ce sens à la suite de la présentation de l’atelier mais il reste tout de même dubitatif. « Ça reste quand même un monde très difficile à faire bouger, l’environnement est encore perçu comme quelque chose qui empêche les gens de faire de l’argent ».