Le premier été de sa nouvelle vie

le samedi 3 juillet 2021

L’arrivée de l’été signifie généralement des fins de semaine à la piscine, des sorties en plein air. Pour Ghislain Brunet, récemment greffé du cœur, cette saison lui apporte toute une redécouverte de ces plaisirs de la vie. Depuis le 3 mai, le Merciérois réapprend à vivre avec un cœur qui bat à nouveau.

Un mois et demi après sa transplantation cardiaque, M. Brunet annonce avec un sourire qu’on entend même au téléphone : «je fais du vélo maintenant! Le cœur veut, mais le corps, ça fait trois ans qu’il ne bouge pas donc j’essaie de réveiller ces muscles-là». 

L’essoufflement qui accompagne l’activité physique, c’est un plaisir que M. Brunet retrouve avec son nouveau cœur. Lorsqu’il portait une pompe mécanique, l’essoufflement lui faisait mal.

Il vivait un cœur mécanique, la machine LVAD (Left Ventricular Assist Device) depuis 2018. L’appareil faisait circuler le sang dans son corps, car son cœur ne fonctionnait plus en raison de la myocardite à cellules géantes, une maladie auto-immune. C’est une condition médicale si rare que son ancien cœur sera consacré à la recherche scientifique.

Le grand jour

Le patient attendait depuis deux ans et huit mois quand le 1er mai dernier, vers 22h30, il a reçu l’appel de l’hôpital. Un cœur était en train d’être analysé pour voir s’il correspondait. «À date, tout concorde, ont-ils dit. Couchez-vous, reposez-vous, on va vous appeler demain, raconte M. Brunet. C’est sû qu’on n’a pas dormi nous autres!».

Jeannette Lapointe, qui a accompagné son mari pendant toute cette épreuve, dit ne pas avoir eu le temps de réfléchir à ce qui se passait. «Quand c’est arrivé en 2018, c’était l’incertitude, va-t-il passer au travers? confie-t-elle. Cette fois-ci, je ne me suis pas arrêtée à ça. Je n’ai pas pensé que, peut-être, il pourrait rester sur la table. Pour moi, c’était : il continue».

Finalement, l’opération s’est déroulée le 3 mai à l’hôpital Royal Victoria (CUSM) à Montréal et a duré presque cinq heures.

Reprendre une vie «normale»

Depuis, la vie sans LVAD est en soit toute une adaptation. M. Brunet dit encore se retourner pour ramasser le sac qui vient avec la machine, qui n’est plus là. Le soir, il va dans sa chambre pour changer les batteries, pour se rappeler qu’il n’en a plus. Il dit encore rentrer dans la maison de côté, car pendant presque trois ans, il s’éloignait des pognées de porte pour éviter que les câbles y restent pris. 

Il dit se réveiller souvent pendant la nuit à cause de son pouls, qui n’était pas là avec la pompe mécanique. «C’est bien bizarre de reprendre une vie normale, songe-t-il. C’est la magie des transplants dans le fond. Tu redeviens normal. Je ne me souviens plus c’est quoi, normal».

Après la chirurgie, le patient est resté 11 jours à l’hôpital pour récupérer. Il a passé tous ses tests cardiaques avec des résultats très positifs, ajoute-t-il. Cinq jours après l’opération, M. Brunet faisait déjà de la marche rapide sans trop se fatiguer.

 

 

Le don d’organe affecté par la pandémie

Cette dernière année a été difficile pour les personnes immunosupprimées. En plus d’être un groupe à risque, ceux qui avaient besoin de dons d’organes ont dû attendre plus que d’habitude à cause de la pandémie. Transplant Québec a noté une baisse de 20% en 2020 en termes de donneurs et de personnes transplantées. 

Mais tout n’a pas été négatif. La pandémie a forcé les gens à garder des distances, ce qui a diminué le niveau de risque pour M. Brunet. «C’était dangereux pour moi, mais c’était un bon timing, indique-t-il. La pandémie, elle m’a aidé dans un sens, mais c’est sû que moralement, c’est poche. La maison était tout le temps plein de monde d’habitude».
Au 31 mars 2021, les dernières données disponibles, neuf personnes ont été transplantées d’un cœur et 58 autres étaient en attente d’un cœur.

Implication

Ghislain Brunet avait gardé une si bonne humeur pendant tout son parcours, que le CUSM lui a demandé de faire des vidéos pour aider à remonter le moral à ceux qui vivent avec la LVAD. «Moi, j’ai le droit à la greffe, mais ce n’est pas tout le monde qui a cette chance», explique-t-il. Il y en a qui utilisent la machine toute leur vie.

M. Brunet s’est filmé par exemple, en train de construire une cuisine dans son jardin quand il portait la LVAD. Ça lui arrivait de faire des chutes de pression, mais il avait trouvé sa façon de les gérer : avant de tomber, il s’assoyait sur le gazon. Lorsqu’il se sentait prêt, il continuait de travailler. 

Remercier la famille

Le couple prévoit faire une demande pour connaître l’identité de la personne qui lui a fait don de son cœur. «Si je pouvais avoir une photo, je la mettrais dans mon bureau parce que cette personne-là, elle vit dans moi, affirme M. Brunet. Moi, j’ai un héros ou une héroïne, et c’est le donneur». Il aimerait remercier le donneur et sa famille, qui a respecté son souhait de faire don de ses organes.

Même si une personne a signé sa carte d’assurance-maladie, sa famille peut refuser de donner ses organes. Selon Transplant Québec, 20% des familles auraient refusé le don d’organes bien que les donneurs y auraient préalablement consenti par écrit en 2020.

M. Brunet attend avec hâte le feu vert pour pouvoir se baigner dans la piscine, un autre plaisir qu’il redécouvrira après trois ans. «À part ça, le seul projet c’est d’avoir la tête vide», dit-il.

«De respirer, rajoute sa conjointe Mme Lapointe. D’apprécier que tu es là».