Les déneigeurs sont aussi pris dans la tempête de l’inflation

le mercredi 26 octobre 2022

Avec l’inflation, plusieurs doivent revoir leurs dépenses. Parmi celles-ci, les services de déneigement que des propriétaires ne pourront plus s’offrir cet hiver. Des entreprises dans le domaine font face à la grogne de certains clients, mais expliquent qu’elles sont aussi affectées par les hausses de part et d’autre.

Devant une augmentation annuelle de 70$ pour le déneigement d’une partie de son entrée double où il installe un abri, Patrick Fontaine a renoncé au service. Le résident de Saint-Philippe, qui aurait payé 375$ cette année selon son nouveau contrat, a discuté avec ses voisins d’autres options, mais «tous les déneigeurs dans le secteur ont augmenté leurs prix», explique-t-il. 

M. Fontaine croit que «c’est ridicule, surtout pour des personnes âgées en ayant vraiment besoin qui devront payer plus alors qu’ils n’ont peut-être qu’une rente gouvernementale comme revenu». 

Le père de famille considère qu’il s’agit d’un service essentiel qu’il doit sacrifier. 

«J’ai une souffleuse, mais à l’heure où je pars travailler le matin, c’était pratique que l’entrée soit déneigée. Je vais devoir sortir à 4h30 pour m’en occuper», partage-t-il. 

De son côté, Cynthia Turcotte témoigne d’une facture qui est passée de 291$ à 373$ avant taxes. 

«Nous avons tenté d’appeler d’autres compétiteurs et ils ont tous dit qu’ils ne desservaient pas notre quartier. Ça sent le cartel. Tristement, nous nous sommes résignés à payer près de 430$ pour faire déneiger notre entrée cette année», déplore-t-elle. 

Plusieurs facteurs

Le président de l’entreprise Belle Pelouse MD Jordan Dion-Gilbert, qui opère à Candiac et La Prairie, indique que ses coûts ont augmenté de 10 à 15%. Il détaille qu’au-delà du prix de l’essence, la machinerie et l’entretien de celle-ci, les salaires de la main-d’œuvre et les assurances entrent en ligne de compte.

Pour ses huit chauffeurs de tracteurs, le salaire est passé de 7 000$ à près de 11 000$ par saison dans les 4 dernières années, cite-t-il en exemple. 

«Les gens ne sont pas surpris de payer davantage au restaurant, mais ils le sont de voir nos prix augmenter.»
-Jordan Dion-Gilbert

Même son de cloche chez Hollandia, présent à Candiac et Saint-Constant. Ses hausses de tarifs se situent entre 15 à 22%, soit de 35$ à 65$ en moyenne par rapport à 2021.  

«Les augmentations ne s’appliquent pas seulement sur l’inflation, c’est plutôt un ajustement des prix en rapport avec nos fournisseurs», précise Marc Zeestraten à la tête de la compagnie. 

Celui-ci chiffre notamment la hausse du prix de l’équipement à environ 30%. Il nomme également le facteur écologique.

«Nous tentons d’optimiser les routes afin de réduire nos émissions de CO2, mais l’achat et l’entretien sont plus dispendieux», dit-il. 

Olivier Girard, du Groupe Jardins Brossard, comptant plus de 9 000 clients réguliers à Brossard, Candiac, La Prairie et Saint-Lambert, ajoute quant à lui que la hausse se fait sentir depuis 2019. Certains prix sont passés de 285$ à 375$ pour ses services, expose-t-il. 

«Nous devons innover constamment pour faire mieux avec moins de ressources tout en maintenant des standards plus élevés», détaille M. Girard.

Les systèmes liés à des GPS qui permettent d’envoyer des alertes par messages textes aux clients entre autres génèrent de nouvelles dépenses. 

Compétition 

M. Dion-Gilbert confie que le déneigement est un domaine où les entreprises se parlent et s’entraident. À son avis, la compétition est saine et «moins il y en a, plus les prix montent».

La grosseur de l’entreprise a aussi une incidence, croit M. Girard. 

«Certains à plus petit volume sont concentrés, donc parfois limités, ce qui peut avoir une influence sur le prix et sur la présence de déneigeurs dans un secteur», explique-t-il.

M. Zeestraten constate d’ailleurs que plusieurs compagnies doivent cette année réduire leurs secteurs d’opérations pour demeurer rentables, ou fermer leurs portes. 

Quant à M. Girard, il observe que l’une des difficultés est que «la clientèle a des attentes élevées quant au niveau de service attendu et surtout à faible coût».

Fausses croyances

Des déneigeurs expliquent certains aspects méconnus du déneigement.

Moins de neige, pas moins de dépensesr
«Qu’il y ait des précipitations ou pas, moi je paie mes employés à la semaine. Le gaz représente à peine 15% de mes dépenses. Mon local, je le paie par mois, même chose pour mes assurances. Sortir moins, ça me permet d’éviter d’user la machinerie ou des accrochages, mais c’est tout. Les gens paient aussi leurs assurances même s’ils n’ont pas d’accident», dit Jordan Dion-Gilbert.
Olivier Girard soulève le même point.
«Les salaires moyens sont de plus de 50$ de l’heure parfois. Les salaires sont garantis pour l’hiver, qu’il neige ou pas.»
Le nombre de clients sur une rue ne veut rien direr
«Certains croient que parce qu’un déneigeur sert tous les clients ou la majorité des clients sur une rue, son offre est la meilleure, mais c’est faux. Le seul avantage que ça lui donne, c’est d’avoir moins de distance dans ses déplacements. Avec les technologies aujourd’hui, tous les déneigeurs partent du point A au point Z avec la même efficacité.»
Déneigement sur la Rive-Sud: moins pire qu’ailleursr
M. Girard soulève qu’à titre comparatif, les prix dans une ville comme Laval se chiffre autour de 439$ pour le même service de déneigement que sur la Rive-Sud de Montréal. En Ontario, on parle de plus de 700$.