Les discours conspirationnistes décortiqués

le lundi 21 février 2022

Six types de discours complotistes se sont fait entendre au cours des deux dernières années, selon le Centre d’expertise et de formation sur les intégrismes religieux, les idéologies politiques et la radicalisation du cégep Édouard-Montpetit (CEFIR), qui a publié son rapport synthèse sur la désinformation en temps de pandémie.

Dans ce rapport synthèse intitulé Typologie des discours conspirationnistes au Québec pendant la pandémie, l’équipe dirigée par les chercheurs Martin Geoffroy, Frédéric Boily et Frédérick Nadeau a pu répertorier «six types de discours articulés au sein de deux matrices idéologiques», soit la matrice d’extrême-droite et la matrice spirituelle.

Financée par le ministère de la Sécurité publique du Québec, avec le soutien du cégep Édouard-Montpetit et du cégep de l’Abitibi-Témiscamingue, la recherche avait pour objectif «d’établir un portrait sociopolitique et religieux des principales croyances complotistes qui ont été exprimées par les principaux influenceurs des médias sociaux québécois dans le contexte de la pandémie».

Matrice d’extrême-droite

«La démocratie libérale ne serait qu’une illusion entretenue par une élite mondialiste cherchant à détourner l’attention des populations pendant qu’elle prendrait clandestinement le contrôle de la planète à travers des procédés malhonnêtes.» C’est ce principe qui guiderait la mouvance d’extrême-droite dans son rejet des mesures sanitaire et de la science officielle.

On peut y distinguer trois courants importants : les citoyens souverains, la mouvance identitaire et la mouvance survivaliste, qui ont tous su tirer profit du contexte pandémique à leur manière.

Les citoyens souverains, qui «considèrent le gouvernement comme un pouvoir tyrannique et illégitime», ont vu dans les règles sanitaires très strictes «une preuve de ce caractère tyrannique et illégitime».

Le discours de la mouvance dite «identitaire» a quant à lui évolué durant la pandémie, troquant «la critique de l’immigration et la défense de la culture» pour un discours porté «davantage sur la critique de l’autorité».

Le rapport souligne que «ce discours anti-État a toujours été au cœur de la matrice idéologique d’extrême-droite».

La pandémie a aussi contribué à «exacerber l’imaginaire» des survivalistes, ces gens «qui se préparent à une hypothétique fin du monde, animés dans leur essence par une critique du monde moderne et de la technologie».

Le rapport y explique que «le contrôle gouvernemental, les rues désertes et les tablettes vides coïncidaient avec leur vision complotiste du monde d’après».

L’extrême-gauche est pour sa part absente du rapport. «Peu de ces groupes [ont] contesté le discours scientifique officiel au Québec pendant la pandémie», souligne Martin Geoffroy, directeur du CEFIR.

Matrice spirituelle

Moins connu que la matrice d’extrême-droite, la matrice spirituelle rassemble quant à elle le réseau du Nouvel âge (new age), les intégristes catholiques et les fondamentalistes protestants.

Les adeptes du Nouvel âge se voient «comme des créateurs spirituels sensés révéler au reste des simples mortels l’accès à la connaissance absolue de soi et de l’univers».

Leur modus operandi étant «l’appropriation du langage scientifique», ils ont utilisé les idées de «médecines naturelles» et de «thérapies holistes» pour se mobiliser contre les mesures sanitaires.

Les intégristes catholiques, quant à eux, s’opposent au «modernisme», un concept «inventé par ces groupes pour désigner un ennemi multiforme qui est à la fois partout et nulle part» et qui entre en conflit avec leur vision hyper-traditionnaliste et dogmatique.

Pour eux, le vaccin serait inefficace et devrait être remplacé «par la confession, plus sécuritaire, efficace et gratuite». «Convaincus, depuis les années 90, que le gouvernement injecte des puces à la population» pour la contrôler, ils s’opposent également à la technologie et aux taxes.

Les fondamentalistes protestants voient dans les mesures sanitaires un «complot de la gauche athée visant à interdire les rassemblements religieux», ce qui a accru leur sentiment de menace, en associant mesures sanitaires et persécutions religieuses.

Une première étape

Ce rapport synthèse est en fait la phase 1 du projet de recherche Désinformation sur la COVID-19, théories de la conspiration et mouvements anti-autorités : Comprendre pour mieux prévenir.

«Alors que les connaissances sur le complotisme au Québec commencent à émerger, il est important de continuer à documenter ce phénomène», affirme Martin Geoffroy.

Pour ce faire, le CEFIR mettra en branle la phase 2 du projet du recherche, basée sur des entretiens avec des individus qui croient aux théories du complot.

« Ce qui est important pour les individus qui adhèrent aux théories du complot, ce ne sont pas les faits, mais l’intérêt du récit et sa visibilité sur les médias sociaux.»

-Extrait du rapport Typologie des discours conspirationnistes au Québec pendant la pandémie du CEFIR