Lettre à une amie

le vendredi 8 juillet 2016

Voici le billet du 6 juillet 2016 d’Hélène Gingras.

Vous arrive-t-il de vous sentir maladroit?  

Je me suis sentie conne samedi après t’avoir reconduite chez toi. Conne de ne pas t’avoir serrée dans mes bras pour t’offrir un peu de réconfort. Conne de ne pas t’avoir exprimé à quel point j’ai de la peine pour toi. Que je trouve que tu t’en sors bien. Malgré tout. Que tu peux m’appeler en pleine nuit. Parce que tu auras besoin de parler.

En même temps, je sais que tu le sais. Les mots sont inutiles entre nous. Notre interaction, ce n’est pas vraiment de verser dans les confidences. Ni dans les accolades. On est un peu gars sur ce plan. Maladroites. On déconne ensemble. On fait des biscuits sans farine. De la pizza maison. On descend une rivière dans un canot gonflable de fortune. Côte à côte. Sans vraiment se parler des vraies affaires. La plupart du temps. Ce n’est pas nécessaire non plus. Ainsi va notre amitié.

N’empêche que je m’en suis tout de suite voulu. De ne pas t’avoir demandé si tu étais OK avant que tu ailles au lit. Je me suis contentée de te raccompagner à bon port. Comme si mon rôle ne se limitait qu’à ça. Te ramener. M’assurer de ta sécurité physique. 

Je réalise aujourd’hui que j’avais sans doute peur de ta réponse si je t’avais posé la question. Peur d’entendre les mots sortir de ta bouche. Parce que je m’en doutais. Tu en avais un peu parlé pendant la soirée. J’imagine qu’on ne se porte pas super bien quand le sol se dérobe sous nos pieds. D’un seul coup. Quand on perd sa mère. Et qu’on l’aime autant que tu l’aimais. Et que ça tourne aussi carré dans les autres sphères de notre vie. 

La vie, justement, je trouve qu’elle ne te fait pas ça facile par les temps qui courent. Que c’est trop pour une seule personne. Les malheurs pourraient bien prendre un break de toi. Des tiens. Aller voir ailleurs.

Je te comprends quand tu dis que tu aurais besoin de mettre ta vie en suspens pour un moment. Le temps de te remettre sur pied. Mais que ce n’est pas possible.

Je voudrais tant pouvoir prendre ton fardeau pour te donner une pause. Et c’est ce qui me fait le plus mal.