Mon premier emploi d’été

le mardi 14 juillet 2015

Je demeurais à Saint-Jean-sur-Richelieu. L’emploi « cool » pour les jeunes en quête d’un job estival était de travailler aux terres noires de Napierville et de Sherrington. Du haut de mes 14 ans, j’avais décidé de suivre un des amis qui voulait «faire application».

On s’est rendu au centre d’emploi du coin pour visionner un diaporama (à ne pas confondre avec une présentation en PowerPoint). Les diapositives accompagnées d’une narration sur fond musical douteux vantaient un peu trop à mon goût les bienfaits du travail dans les champs. On y voyait des jeunes, aux sourires tout aussi exagérés que celui du Joker, portant des vêtements de couleurs criardes et fixant l’objectif d’un drôle d’air.

La présentation nous disait combien était exigeante, mais gratifiante cette tâche consistant à arracher, au salaire minimum, les mauvaises entre les plantes potagères. Quoi de plus noble, en effet, que de jouer à quatre pattes dans la terre nourricière? À l’époque, on ne parlait pas de main-d’œuvre étrangère saisonnière.

Pareil au légionnaire dans les aventures d’Astérix, je crus même entendre: «Engagez-vous! Engagez-vous! Vous verrez du pays!» Misère.

Pour me rendre à mon travail d’été, je devais me taper un peu plus d’une demi-heure de vélo. Et de là, attendre le minibus qui venait nous prendre, rue Richelieu, pour nous conduire à la ferme.

L’enfer

Une fois arrivé, le cauchemar débutait. J’exagère un peu. Mais disons que l’établissement où j’ai été envoyé pour ma première journée a fait, par la suite, l’objet de plaintes.  

Circulant entre les rangs, la propriétaire d’origine européenne, en compagnie de ses fils, n’arrêtait pas de nous engueuler, se lamentant que nous n’effectuions pas le désherbage assez vite à son goût.

-Toi le chandail vert (c’était moi), t’en laisse! Grouille!, disait-elle.

Se plantant devant nous, son fils examinait la façon dont on s’y prenait pour enlever les mauvaises herbes. Et malheur si dans notre rapidité maladroite, on arrachait par mégarde le plant de légumes.

-Ils nous ont donné des nouveaux sacr… Ils ne savent pas comment faire!, a-t-il lancé.

Une ambiance du tonnerre, sous un soleil de plomb! Et pour arranger le tout, par pure insouciance crasse d’adolescent, j’avais décidé de ne pas m’enduire de crème solaire. Ressemblant de plus en plus à un kiwi qu’on aurait mis dans le four à «broil», j’essayais de poursuivre tant bien que mal mon travail, attendant la cruche d’eau qui circulait à vitesse de tortue entre les rangs des jeunes pousses.  

Et le midi, on se bousculait pour se partager l’unique robinet afin de se décrasser les mains sans savon, histoire de ne pas ajouter de la terre à nos sandwichs.  

Brûlé dans le bas du dos par le soleil, courbaturé, aussi noir qu’un charbonnier remontant du trou, tel était mon état quand je suis descendu du bus après ma première journée de travail. Le pire était de me taper le retour en vélo. Demeurant en campagne en direction de Saint-Alexandre, j’avais une couple de kilomètres face au vent à me farcir sur mon trois vitesses.

Je n’ai pas rempilé pour un second été… Je me demande bien pourquoi!