OPINION – Moratoire sur les changements de zonage des anciens golfs

le jeudi 10 mars 2022

Un collectif d’organisations citoyennes, dont le Regroupement des résidents de Candiac, qui milite en faveur de la conservation de l’espace vert à l’ancien golf, a signé une lettre partagée aux médias et adressée à la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, le 9 mars. 

De plus en plus de regroupements citoyens de nombreuses municipalités s’inquiètent de l’avenir des anciens golfs sur l’ensemble du territoire du Québec. Les crises du climat et de la biodiversité jointes à la pandémie amènent de nouvelles réflexions importantes concernant l’aménagement du territoire. La conservation des anciens golfs devient désormais une occasion à ne pas manquer. Il n’y aura pas de retour en arrière possible si nous permettons la destruction de ces précieux milieux naturels encore végétalisés offrant de nombreux services écosystémiques.

Dans bien des municipalités, les friches commerciales et industrielles disponibles pour le redéveloppement sont amplement suffisantes pour combler les projections démographiques des prochaines décennies. Ces sites doivent être priorisés afin de protéger nos derniers espaces verts. Sans règles strictes pour les préserver, plusieurs municipalités, en quête de nouveaux revenus de taxes, vont permettre la construction sur les anciens golfs avant de considérer d’autres endroits plus propices au développement durable. 

Malheureusement, plusieurs municipalités ne font pas encore l’exercice rigoureux de faire une planification durable de leur territoire permettant de conserver les derniers espaces verts. Ainsi, nous voyons fréquemment des demandes de changements de zonage et d’affectation pour permettre le développement urbain sur des espaces verts malgré une forte opposition de groupes citoyens oeuvrant à leur protection. 

Pourtant, nous pouvons constater à travers le monde que de grandes villes densifiées comme Toronto ont réussi à préserver de grands parcs urbains pour leurs générations futures.

Il est impératif que les décideurs publics prennent les bonnes décisions pour sécuriser l’avenir des golfs dans la planification du territoire avant qu’il ne soit trop tard. D’ailleurs, comme le souligne Mme Janette Sadik-Khan, une vedette mondiale de l’urbanisme, « les villes qui sortiront les plus fortes de la crise de la COVID-19 seront celles qui auront su réinventer l’espace public (parcs, espaces verts, et autres places publiques) offert aux citadins ».

Devant la menace qui pèse sur la vente de nombreux terrains de golf au Québec, nousr
demandons d’imposer un moratoire sur toute modification de l’affectation, du zonage et des projets de construction sur les terrains d’anciens golfs jusqu’à ce que :

● Loi sur l’expropriation soit réformée et qu’il soit possible pour les municipalités d’acquérir les anciens golfs à une juste valeur marchande. À la suite d’une discussion avec le cabinet du ministre des Transports, nous avons été informés que la réforme de cette Loi ne sera pas présentée avant les élections provinciales d’octobre. Or, actuellement, de nombreuses municipalités et propriétaires subissent beaucoup de pression de la part des promoteurs immobiliers pour permettre le développement sur les terrains de golf. Afin de freiner la spéculation immobilière et d’amoindrir la pression sur les municipalités, il devient important d’instaurer ce moratoire rapidement. Celui-ci permettrait de donner plus de temps aux municipalités pour revoir leurs objectifs de développement en respectant les OGAT et les principes du développement durable. 

● La CMM, le gouvernement du Québec et les instances régionales aient réévalué leurs cibles environnementales afin qu’une quantité suffisante d’espaces naturels soit protégée pour accroître notre résilience à la crise climatique et à la perte de biodiversité. Le plus récent rapport du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) confirme qu’il faut agir dès maintenant. Nous sommes en accord avec la récente étude scientifique d’Habitat, qui recommande de conserver 25 % du Grand Montréal en espaces naturels afin de répondre aux besoins des prochaines décennies. Pour plusieurs municipalités, l’atteinte de cet objectif ne sera pas possible sans sécuriser l’avenir d’un golf. De surcroît, il semble impossible d’atteindre l’engagement actuel de 30% de superficie boisée du Plan métropolitain d’aménagement et de développement sans le reboisement d’une partie importante des golfs. 

● La Stratégie nationale d’urbanisme et d’aménagement des territoires du ministère des Affaires municipales et de l’Habitation soit adoptée. Cette stratégie doit offrir une vision d’avenir qui met en évidence le potentiel et le rôle important que les terrains de golf peuvent jouer dans la restauration et l’ajout de superficie de milieux naturels. Il devient donc urgent d’agir pour améliorer le processus démocratique et les outils de planification permettant d’évaluer les impacts sur la qualité de vie et les services écosystémiques avant d’autoriser un projet de développement. Cette planification rigoureuse doit tenir compte des impacts sur la circulation, la sécurité, le déversement d’eaux usées et les surverses, la contamination des sols, l’approvisionnement en eau potable, des besoins en services de proximité et des conséquences à l’environnement occasionnées par le développement. Il faut s’inspirer des villes densifiées qui cherchent des terrains vacants pour reboiser, c’est-à-dire autoriser le développement immobilier sur les îlots de chaleur comme les stationnements tentaculaires qui ornent les banlieues du Grand Montréal. Il faut innover avec l’amélioration des transports publics et avec le réaménagement des stationnements compacts souterrains ou étagés de faible hauteur qui devrait devenir la norme. 

La perte des espaces naturels de l’ensemble du territoire et en milieu urbain s’accélère à un rythme alarmant depuis plusieurs décennies. Selon un article récemment publié, on souligne que d’ici 2050, si le déclin se poursuit au rythme actuel, 36 % des milieux naturels disparaîtront. 

Devant ces constats, les terrains de golf deviennent des occasions pour :

● Aménager de grands parcs urbains pour les générations futures pour plusieurs municipalités qui possèdent des golfs sur leur territoire : Candiac, Chambly,
Beloeil, Montréal, Laval, Dorval, Rosemère, Terrebonne, Longueuil, Brossard, Lar
Prairie, Saint-Jean-sur-Richilieu, Mascouche, Stoneham, Cap Rouge, Lorraine,
Sherbrooke et Lac-Brome.

● Augmenter les espaces naturels à proximité des habitations afin d’améliorer la qualité de vie, la santé physique et mentale des citoyens. La présence d’espaces verts à proximité du domicile favorise leur achalandage, la distance maximale recommandée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) étant de 300 mètres.

● Atteindre les cibles clés du plan métropolitain d’aménagement et de développement afin de protéger 17 % du territoire et de porter à 30 % le couvert forestier du Grand Montréal d’ici 2031. (PMAD/CMM) 

● Éviter une perte et une dégradation des écosystèmes qui entraînent un déclin rapide des espèces fauniques ainsi qu’une fragmentation des espaces naturels, des habitats et des corridors écologiques pour la faune

● Bâtir un avenir sain et sécuritaire pour nos enfants et les générations futures afin de réduire les conséquences liées aux inondations, aux changements climatiques et à l’augmentation des GES. Les jeunes et les enfants des générations futures ont le droit à un avenir propre. 

● Passer de la protection à la restauration et de la naturalisation à la plantation.
Alors que la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) peine à atteindre ses objectifs de protection des milieux naturels sur son territoire, le chercheur Jérômer
Dupras estime que les terrains de golf « constituent de très belles opportunités pour intervenir dans le but de protéger ou de restaurer des superficies qui sont déjà végétalisées ». 

● Créer un Parc urbain national dans la métropole comme Toronto, en incluant : ler
Grand parc de l’Ouest de Montréal, les anciens golfs de Laval, Rosemère, Lorraine, Terrebonne, Mascouche et un vaste réseau de milieux verts et bleus interconnectés avec le Lac des Deux-Montagnes, la Rivière-des-Prairies et lar
Rivière-des-Mille-îles. 

Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, madame la Ministre, d’instaurer un moratoire sur toute modification de l’affectation, du zonage et des projets de construction sur les terrains d’anciens golfs. En vous remerciant de l’attention que vous porterez à la présente, nous demeurons disponibles pour tout renseignement supplémentaire.