Photographes de presse, premiers témoins des drames

le mercredi 17 août 2016

En plus de 12 années de carrière comme photographe, Denis Germain a vu des centaines d’accidents, d’incendies, de vols et autres drames à travers la lentille de son appareil. Alors que la Journée mondiale de la photographie sera célébrée le 19 août, le capteur d’images du Reflet et deux autres chasseurs de faits divers témoignent de la difficulté de photographier de tels évènements.

1. Est-ce qu’il faut faire preuve d’audace lorsqu’on photographie un fait divers?

Denis Germain: «Non, parce que j’ai une éthique de travail. S’il y a un périmètre, je vais le respecter. Je ne tiens pas à faire la shot à tout prix. Je ne suis pas un paparazzi. Je reste professionnel.»

Érick Rivest: «Chaque appel est un défi. Si je dois partir pour couvrir une poursuite en voiture, je dois être capable de juger rapidement où je dois me positionner pour les voir passer devant moi. Il faut garder son sang-froid pour être capable d’avoir de bonnes prises.»

Sidney Dagenais: «Oui, il faut avoir de l’audace pour faire de la photographie de faits divers, car je peux voir des choses assez traumatisantes.»

2. Avez-vous des attentes lorsque vous arrivez sur les lieux d’un évènement?

D.G. : «Non, je ne me fais pas de scénario sur ce que je pourrais voir. Je ne me dis pas que je vais prendre tel ou tel genre de photos. Je pourrais ne pas avoir ce que j’avais en tête en arrivant.»

S.D. : «Chaque scène est différente, mais c’est sû que je peux savoir si la scène est majeure ou mineure avant d’arriver sur les lieux.»

3. Est-ce qu’il y a une histoire en particulier qui vous ait restée dans la tête après l’avoir couverte?

D.G. : «J’ai à peu près tout vu. Je garde une distance face à l’évènement à travers mon objectif. Je me réfugie derrière mon appareil. Toutefois, c’est sû que quand il y a des enfants impliqués, c’est plus difficile.»

E.R. : «Je me rappelle de l’histoire de la petite fille noyée dans la piscine familiale à Saint-Rémi. Je suis arrivé en premier sur les lieux. J’ai vu un ami ambulancier prendre la petite dans ses bras et pleurer. J’ai le cœur coincé encore. Je n’ai jamais été capable de prendre une photo de cette scène. La seule image que j’ai prise est celle des enquêteurs lorsqu’ils sont arrivés sur les lieux en veston-cravate avec leur mallette noire pour lever la banderole rouge de la scène policière.»  

S.D. : «Oui, un accident majeur de moto dans lequel deux jeunes sont décédés. Ils avaient à peu près le même âge que moi. C’était aussi le premier évènement majeur que j’ai couvert.»

4. Est-ce que les gens vous trouvent parfois voyeurs?

D.G. : «À l’ère des réseaux sociaux, il semble que tout le monde soit devenu expert en déontologie journalistique. Les gens me demandent toujours : ‘’Est-ce que la famille est au courant avant de publier les photos?’’ Si ce n’est pas le photographe qui le fait, ce sera le voisin et ce, sans aucune règle éthique. Il existe un genre de deux poids deux mesures. Les gens veulent voir, mais soudainement lorsque ça les touche, les photographes deviennent des méchants. J’ai un énorme respect pour les gens touchés par ces évènements. Je ne fais que mon travail, je ne reste pas là pendant deux heures.»

E.R. : «Dans mon entourage, les gens me demandent comment je fais. Une fois, je suis arrivé sur les lieux d’un accident impliquant un piéton et une voiture de livraison à Delson. Un petit garçon se trouvait sous une camionnette stationnée à cause de la force de l’impact. Je me suis placé à une très bonne distance de la scène et j’ai utilisé un zoom pour rester le plus discret possible. Le père a remarqué ma caméra, même si j’étais loin. Il n’était pas très content. Je lui ai dit que j’étais là parce que je voulais présenter un autre évènement impliquant une voiture de livraison qui roule à haute vitesse dans les rues et non un enfant dans la rue.»

S.D. : «Les gens sont parfois mécontents de me voir en train de prendre des photos sur une scène. Il y en a qui viennent parfois me harceler, mais je peux comprendre qu’ils soient sous le choc de voir une scène policière.»

5. Est-ce possible de rester artistique quand on photographie un fait divers?

D.G. : «Absolument. Je ne me contente jamais de simplement faire clic-clic-clic. Le plus important en arrivant, c’est de sécuriser la shot qui présente la scène. Le périmètre policier va toujours s’agrandir, alors je ne me dis pas que la première photo doit être artistique. Une fois que je l’ai, je peux l’être plus.»

S.D. : «Oui, la photographie reste de l’art. Par contre, il y a beaucoup plus d’obstacles sur un fait divers, une scène en mouvement, par exemple.»

6. Quelles sont les aptitudes essentielles pour être un bon photographe de faits divers?

D.G. : «Rester professionnel, ne pas sauter de haies et ne pas transgresser de terrain pour avoir la shot à tout prix.»

E.R. : «Rapidité à se rendre sur les lieux et ne jamais contrarier les services d’urgence. Il faut en faire de bonnes connaissances, car beaucoup d’information nous proviennent des services. Le plus important à mes yeux est de toujours rester poli, car il est difficile de se faire un nom sur les lieux d’évènement, mais très facile de se faire bloquer.»

S.D. : «Je crois qu’il est important de se séparer des victimes, de ne pas s’attacher ou de ressentir d’émotions face à ce que je peux voir.»