Rainette faux-grillon dans Symbiocité: les étangs reproducteurs attirent des prédateurs

le jeudi 28 avril 2016

Les deux nouveaux étangs de reproduction créés pour protéger la rainette faux-grillon se trouvant dans Symbiocité sont en train de nuire à l’espèce, selon une biologiste.

Isabelle Picard, spécialiste de la faune aquatique, a inspecté les étangs ce printemps.

Lors de sa visite, elle a remarqué qu’ils attirent des grenouilles vertes, des ouaouarons et des grenouilles léopards: trois prédateurs de la rainette qui nuisent à sa conservation.

«Ce qu’il y a là, ça ne ressemble pas à des étangs de reproduction pour la rainette, affirme Mme Picard. Je ne sais pas qui les a conçus – et mon intention n’est pas de juger qui les a faits –, mais ça ne tient pas debout.»

Signal d’alarme

L’experte a mis les pieds une première fois à La Prairie en 2004 dans le but d’inventorier la rainette faux-grillon en Montérégie.

Elle est a ensuite coécrit le rapport du comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC), financé par la Fondation de la Faune du Québec.

Dix ans plus tard, elle s’est dit qu’il serait pertinent de refaire l’exercice et a rédigé un second portrait détaillé en collaboration avec le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec en Montérégie, Nature-Action Québec, la Vigile verte et la Société d’histoire naturelle de la Vallée du Saint-Laurent.

«Je m’attendais à obtenir des résultats plus positifs et j’ai finalement constaté que 50% des étangs avaient été détruits (à La Prairie), dit-elle. Quand on a fait l’annonce officielle du projet domiciliaire, je me suis dit que je devais revenir en 2015 pour suivre ça de près. Quand je suis revenue, j’ai halluciné!»

Celle qui dit avoir sonné l’alarme auprès du ministère de l’Environnement et de la Ville n’a malheureusement pas réussi à obtenir de réponses satisfaisantes.

Méthodes «douteuses»

Pour la spécialiste, l’aménagement de nouveaux étangs artificiels ne peut pas compenser entièrement les pertes, pas plus que le déplacement par phasage.

«Le phasage, c’est risible, s’emporte-t-elle. Il n’y a pas un scientifique qui va défendre ça. Soit on choisit de construire, soit on choisit de détruire, mais qu’on arrête d’essayer de nous faire croire qu’on se soucie de la rainette en utilisant des mesures de compensations douteuses qui n’ont aucune base scientifique.»   

Pour Isabelle Picard, il y a encore de l’espoir pour la partie du projet qui n’a pas encore été touchée (les phases 4, 5 et 6).

Or, si le décret d’urgence ne donne pas les résultats escomptés et que le développement se poursuit, aussi bien «signer l’arrêt de mort» de la rainette qui connaîtra un déclin encore plus important, selon elle.

Réponse des élus

Comme la Ville de La Prairie a embauché une biologiste pour assurer la coordination des actions de protection, de valorisation, de surveillance et d’entretien dans le parc de conservation, le Journal voulait son avis.

Le directeur général, puis le maire nous ont refusé cet entretien.

«C’est le ministère et non la Ville qui détermine les règles et les bassins ont été aménagés selon leurs directives», a affirmé le DG, Jean Bergeron.

«Une dizaine de sondes ont été installées dans le parc de conservation, dont dans les bassins, pour avoir des mesures et évaluer si l’habitat est favorable à la rainette, a ajouté le maire Donat Serres. Les résultats de ces sondes sont envoyés et analysés par le ministère. S’il y a des correctifs à apporter, on va les faire, mais c’était clair qu’il y aurait des ajustements parce que c’est quelque chose qui ne s’est jamais fait.»