Contraint en 2016 de cesser le développement de deux projets immobiliers en raison du décret d’urgence protégeant la rainette faux-grillon, le promoteur Groupe Maison Candiac (GMC) a eu raison du gouvernement fédéral, qui refusait de lui verser une indemnité.
La décision a été rendue par la Cour fédérale le 19 décembre. Le décret avait forcé Groupe Maison Candiac à cesser de bâtir dans le quartier Symbiocité à La Prairie, où il avait achevé quatre des six phases de son projet, puis dans le secteur Vallée de Provence à Candiac, La Prairie et Saint-Philippe.
Le promoteur avait d’abord tenté de faire invalider le décret protégeant l’espèce menacée en «estimant qu’il avait été adopté en vertu d’une disposition habilitante qui excède la compétence du Parlement ou parce qu’il constitue une forme d’expropriation sans indemnisation». La Cour avait alors statué que les principes d’expropriation déguisée ne s’appliquent pas, puisque «l’article 64 de la Loi prévoit une possibilité d’indemnisation».
En appel
Face à ce refus, le promoteur Groupe Maison Candiac a déposé des requêtes d’indemnisation, une de 20,7 M$ et l’autre de 22,2 M$, pour ses deux projets, au ministère de l’Environnement et de la Lutte aux changements climatiques du Canada (MELCCC), en 2018. Cependant, le ministre Steven Guilbault a rejeté ses demandes, justifiant que les pertes de l’entreprise n’avaient pas été subies en raison des «conséquences extraordinaires» de l’adoption du décret en 2016.
Groupe Maison Candiac en a appelé de cette décision du ministère et a ainsi obtenu gain de cause. Le juge de la Cour fédérale, Guy Régimbald, a débouté le ministère, notant que ce dernier n’avait pas mentionné dans son Rapport d’évaluation si les pertes réclamées avaient été subies «en raison des conséquences extraordinaires que pourrait avoir l’application [du Décret]» au sens du paragraphe 64(1) de la Loi, a-t-il expliqué.
«Or, puisque la demande d’indemnisation était complète et exhaustive, et comprenait une demande subsidiaire pour les dépenses encourues avant l’adoption du Décret, il incombait au Ministre de la considérer sous tous ses angles, de déterminer si certaines de ces pertes pouvaient se qualifier à titre de pertes subies en raison des conséquences extraordinaires du Décret, et de motiver sa Décision le cas échéant», a mentionné le juge Régimbald.
Dans sa requête d’indemnisation, Groupe Maison Candiac arguait qu’il avait entre autres «subi une perte de 12,5 M$ en raison de la perte de la valeur de ses terrains» et qu’il avait encouru «des coûts additionnels de développement pour le surdimensionnement des infrastructures municipales».
«Le Ministre se devait d’analyser les pertes de la Demanderesse de façon individuelle, a ajouté le juge. [Steven Guilbault] pouvait en venir à la conclusion que certaines pertes ne se qualifiaient pas à titre de ’’conséquences extraordinaires’’, mais que d’autres types de pertes pouvaient être admissibles.»
M. Guilbault devra donc à nouveau déterminer l’indemnisation qu’il devra accorder à Groupe Maison Candiac.
«La même analyse doit être faite par le Ministre pour déterminer le montant juste et raisonnable de l’indemnité à proposer. Puisque le coût doit être partagé, l’indemnité ne doit pas nécessairement compenser intégralement les pertes encourues. L’indemnité doit permettre un partage des frais, entre le public et le justiciable, qui favorisera la protection de l’espèce, mais aussi encourager et appuyer les Canadiens dans leurs efforts de conservation dans le futur», a conclu le juge Régimbald.