Le ministre de l’Agriculture, André Lamontagne, et la ministre de la Santé, Danielle McCann, étaient de passage dans les locaux du Centre local de développement (CLD) des Jardins-de-Napierville, le 15 juillet. Des agriculteurs, des scientifiques et des entrepreneurs, qui œuvrent sur le territoire, leur ont présenté les efforts qu’ils déploient depuis plusieurs années, pour faire de la lutte intégrée aux ennemis des cultures et ainsi réduire leur utilisation des pesticides.
Les intervenants se sont succédé au micro pour expliquer aux ministres en quoi consiste la lutte intégrée et pour présenter les différentes organisations qui font de la lutte intégrée, ainsi que les innovations qu’elles développent.
La lutte intégrée est un ensemble de méthodes alternatives utilisées pour diminuer le plus possible le recours aux pesticides.
Parmi les organisations qui ont présenté leur travail aux ministres, on compte le Pôle d’excellence en lutte intégrée (PELI), qui est supporté par le CLD des Jardins-de-Napierville. Le rôle du PELI est de faire la promotion des méthodes alternatives aux pesticides, de diffuser et transférer les résultats de recherches aux agriculteurs, de faire du maillage entre chercheurs et agriculteurs et de faire des représentations auprès des décideurs.
La ministre de la Santé, Danielle McCann.Nous avons aussi entendu les représentants du Consortium PRISME, qui offre des services-conseils aux agriculteurs et qui fait de la recherche, de même que Pleine Terre, qui accompagne les producteurs en grandes cultures pour les aider à réduire leur utilisation des pesticides. Silvia Todorova a présenté son entreprise, Anatis Bioprotection, basée à Saint-Jacques-le-Mineur, qui élève des insectes qui sont ensuite utilisés pour lutter contre certains ennemis des cultures.
Par la suite, le ministre Lamontagne a visité deux fermes où des pratiques de lutte intégrée sont mises en œuvre, soit la ferme de grandes cultures de la famille Letellier, située à Saint-Cyprien-de-Napierville, et la ferme maraîchère de la famille Leclair, située à Sherrington. Les Letellier ont recours au dépistage, ce qui leur permet de n’utiliser les pesticides que lorsque cela est absolument nécessaire. Quant aux Leclair, ils utilisent les mouches stériles ou «mouches roses», pour contrer la mouche de l’oignon.
Les maires de la majorité des municipalités de la MRC étaient présents à cette rencontre, de même que les députés provinciaux Claire Isabelle, du comté de Huntingdon, Louis Lemieux du comté de Saint-Jean, Claude Reid, du comté de Beauharnois, ainsi que la députée de la circonscription fédérale de Châteauguay-Lacolle, Brenda Shanahan.
Innovation
Tous les intervenants qui ont pris la parole ont plaidé en faveur d’un investissement du gouvernement dans la recherche et le développement de nouvelles technologies, qui leur permettrait de faire une transition vers une agriculture qui serait moins dépendante des pesticides.
La famille Letellier en compagnie du ministre de l’Agriculture, André Lamontagne.Denys Van Winden, propriétaire de l’entreprise maraîchère Les Productions horticoles Van Winden, a rappelé aux ministres la panoplie d’enjeux auxquels les agriculteurs sont confrontés. La salubrité, la traçabilité, la mise en marché, la main-d’œuvre, le salaire minimum, la robotisation et la compétitivité n’en sont que quelques exemples.
«Les agriculteurs ont investi des millions de dollars pour se rendre où nous sommes aujourd’hui. Le futur est très prometteur, mais nous avons besoin de vous», rappelait M. Van Winden, en s’adressant aux ministres.
«On fait les efforts qu’il faut pour faire de la lutte intégrée, mais les agriculteurs ont besoin de services-conseils et pour ça, ça prend de l’argent de l’État pour nous aider», soulignait Jocelyn Leclair, copropriétaire de la Ferme Leclair et président du PELI.
«Si vous fournissez une méthode clefs en main, je vais être le premier à prendre ça, mais ce n’est pas aux agriculteurs à financer la recherche.»
-Jean-Bernard Van Winden, agriculteurr
Samuel Comtois, un agronome qui est directeur adjoint de Pleine Terre, a rappelé que la règlementation environnementale n’était pas adaptée à la réalité. «On est 15 ans en arrière, disait-il. Ce n’est pas adapté à ce qui se passe sur le terrain.»
Il déplorait aussi la technocratisation grandissante du ministère de l’Agriculture. «Tous les rêves qu’on a sur le terrain, ça ne cadre pas avec vos formulaires», a-t-il lancé au ministre Lamontagne.
Jocelyn Leclair, des Fermes Leclair, le ministre de l’Agriculture, André Tremblay et la députée de Huntingdon, Claire Isabelle.Réaction
La ministre de la Santé a rappelé le lien qui existe entre une agriculture locale et la bonne santé de la population.
«Je me sens très proche des agriculteurs, a déclaré Mme McCann. Je serai toujours près de nos agriculteurs parce que vous êtes des acteurs importants pour la santé du Québec.»
«Ce que vous faites ici a l’air extraordinaire, a affirmé le ministre de l’Agriculture, André Lamontagne. Il y a tellement de bonnes choses qui sont faites au Québec, mais beaucoup de gens travaillent en silo. Ça prend un leadership du ministère de l’Agriculture.»
M. Lamontagne a précisé qu’un comité informel, regroupant le ministère de l’Agriculture et le ministère de l’Environnement, a été formé pour revoir la règlementation.
Le ministre Lamontagne relâche des »mouches roses ».À propos de la lutte intégrée
La lutte intégrée se décline en trois actes: prévenir, suivre et guérir. On peut prévenir les problèmes d’ennemis des cultures en choisissant les bonnes variétés de plantes qui sont moins sensibles et en faisant des rotations dans les champs pour briser le cycle de reproduction des ennemis des cultures, par exemple.
Il faut aussi suivre ce qui se passe dans les champs. Il faut «marcher son champ» régulièrement, pour observer l’apparition d’ennemis des cultures. On peut aussi avoir recours à des technologies pour détecter leur présence. Cette façon de travailler permet à l’agriculteur d’avoir recours aux pesticides que lorsque cela est nécessaire, plutôt que de le faire de manière préventive.
En ce qui concerne la guérison, il se peut que l’usage de pesticides soit inévitable, quoique d’autres avenues moins nocives pour l’environnement sont aussi disponibles, que l’on pense aux mouches stériles ou «mouches roses», qui permettent de combattre la mouche de l’oignon.
Depuis 2011, cette méthode a permis d’éviter l’application de 30 tonnes de chlorpyrifos, un insecticide, sur les terres agricoles de la région, estime Hervé Van Der Heyden, directeur scientifique chez Phytodata, une des organisations membres du Consortium PRISME. En 2019, ce sont 850 hectares d’oignons qui sont traités avec des mouches stériles, dans la région.