Considéré comme le père du chemin de fer canadien, Sir William Cornelius Van Horne était aussi un grand amateur d’art et un artiste. C’est un personnage à plusieurs facettes qu’Exporail, le musée ferroviaire canadien à Saint-Constant, invite à découvrir avec l’exposition temporaire « Voyage au cœur des arts en compagnie de Sir William Cornelius Van Horne ».
Créateur de cette exposition, le conservateur du musée, Jean-Paul Viaud, souhaite mettre en lumière le grand amour pour l’art que cultivait Van Horne, lui-même peintre à ses heures.
Enfance difficile
Né le 3 février 1843 à Frankfort, en Illinois, le jeune William perd son père en 1854. Très jeune, il développe un intérêt pour la géologie après avoir trouvé un fossile. Passionné de caricature, il est contraint de quitter l’école à 14 ans après avoir été puni pour des dessins de professeurs.
Sir William Van Horne, dirigeant du C. P., Montréal. (Photo: H. Harris. Musée McCord, VIEW-6488.F)
«On retrouve de ses caricatures derrière des bouts de papier, des agendas. Il aimait aussi collectionner les caricatures qui le mettaient en vedette», raconte le conservateur lors d’une visite guidée destinée aux employés du musée et aux journalistes.
Embauché à l’Illinois Central Railroad comme télégraphe, William monte rapidement les échelons et devient directeur de compagnies ferroviaires aux États-Unis dès 1872, marquant ainsi ses débuts dans l’industrie ferroviaire.
L’homme est un hyperactif. «Van Horne disait lui-même qu’il n’avait besoin que de trois heures de sommeil quotidiennement, souligne M. Viaud. Il s’éduque lui-même en recopiant des livres qu’il emprunte, incluant les illustrations.»
Chemin de fer canadien
En 1871, la Colombie-Britannique rejoint la confédération canadienne avec la promesse d’un chemin de fer transcontinental, dont la construction est confiée en 1880 à George Stephen et ses associés. La compagnie du chemin de fer Canadien Pacifique embauche Van Horne comme directeur de construction en 1882 pour accélérer le projet. Van Horne se montre très efficace et exigeant, dirigeant personnellement chaque étape. Grâce à ses efforts, la construction se termine rapidement, et le dernier crampon est posé en Colombie-Britannique le 7 novembre 1885.
Évidement, Van Horne est présente lors de ce moment historique. «Il s’y est rendu à bord de sa voiture privée, la Saskatchewan, qui fait partie intégrante aujourd’hui de la collection du musée», indique M. Viaud.
Montréal
À Montréal, Van Horne se fait remarquer par sa résidence dans le Mille carré doré et sa remarquable collection d’art. Passionné, il rassembla des œuvres de grands maîtres hollandais, flamands et d’artistes renommés européens et américains, créant l’une des collections les plus appréciées au Canada. «Il choisit ses acquisitions selon ses goûts, indépendamment de leur célébrité», précise le conservateur.
La maison Van Horne sur la rue Sherbrooke vers 1900. (Photo: Musée McCord, MP-0000.27.38)
Aujourd’hui, plusieurs pièces de sa collection sont exposées au Musée des beaux-arts de Montréal et au Musée royal de l’Ontario. «Deux Renoir de sa collection ont été vendus 53 M$ par la famille au cours des années 1980», rappelle M. Viaud.
Van Horne l’artiste
On attribue à Van Horne l’artiste entre 150 et 200 tableaux. «Il signait ses toiles à l’envers, Enroh Nav. Mais parfois, il ne les signait pas non plus, souligne M. Viaud. Quand il reçoit, Van Horne s’amuse souvent à glisser certaines de ses œuvres entre les tableaux des grands maîtres et demande l’avis de ses invités!»
Sir William Cornelius Van Horne semble écouté les explications du conservateur d’Exporail, Jean-Paul Viaud. (Photo: Le Courrier du Sud – Sylvain Daignault)
Les visiteurs pourront admirer certaines de ses toiles, dont l’éclatante .007, sa seule peinture ayant pour thème le monde ferroviaire. Le nom « 007 » ne fait pas référence au célèbre espion de Sa Majesté mais plutôt au numéro de la locomotive à vapeur qui tire un train lors d’un voyage à travers le Canada dans une histoire de Rudyard Kipling, l’auteur, entre autres, du Livre de la jungle, un ami de Van Horne.
Des toiles de Van Horne font parfois leur apparition dans les ventes aux enchères et s’envolent pour des montants variant entre 10 000 $ et 20 000 $, des sommes quand même raisonnables pour les musées désireux de les acquérir.
Souffrant de rhumatismes, Van Horne s’éteint à Montréal le 11 septembre 1915. Après ses funérailles à Montréal, son corps est transporté à bord d’un train du CFCP pour être enterré à Joliet, dans l’Illinois.
Maison Van Horne
Construite en 1869 pour John Hamilton, président de la Merchant’s Bankp> de Montréal, Van Horne en devient propriétaire en 1889 et engage un artiste d’origine belge, Édouard Colonna, pour la rénover. Colonna est alors considéré comme l’un des pionniers de l’Art nouveau en Amérique, et l’intérieur du manoir devient un mélange d’influence Art nouveau et victorienne, où Van Horne amasse une collection d’art privée de réputation mondiale.
En 1973, la démolition de la Maison Van Horne sous l’administration du maire Jean Drapeau tombe sous le pic des démolisseurs au grand dam des amoureux du patrimoine. Cette démolition devient un événement charnière dans le mouvement pour la protection du patrimoine bâti, qui mènera à la création de Sauvons Montréal et d’Héritage Montréal.
La démolition de la maison Van Horne, qui se trouvait à l’angle des rues Sherbrooke et Stanley, est un événement charnière dans le mouvement pour la protection du patrimoine bâti, qui mènera à la création de Sauvons Montréal et d’Héritage Montréal. (Photo: BAnQ / Jean Goupil/Fonds La Presse, BAnQ)
«L’architecte Phyllis Lambert, qui luttait pour la préservation de la Maison Van Horne, a été autorisée à pénétrer à l’intérieur mais sans prendre de photos, juste avant sa démolition», poursuit M. Viaud.
Exporail possède plusieurs meubles du bureau de la résidence de M. Van Horne, dont un imposant pupitre qui fait partie de l’exposition. «J’adore ce meuble parce que Van Horne y a souvent travaillé. Il y a dessiné, il y a écrit. Il y a fait la fête avec des amis. Il y a vraiment un lien personnel avec ce meuble», affirme avec un brin de sentimentalisme le conservateur.
L’exposition est présentée jusqu’au 30 avril 2025.
Sur le même sujet :
- DROUIN, Martin, «Maison Van Horne (1870-1973) : une destruction fondatrice», dans Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française,
- MARSAN, Jean-Claude, «Il y a 50 ans, la démolition de la maison Van Horne marquait un tournant», Le Devoir, 8 septembre 2023.
- Aujourd’hui l’Histoire, «Le 50e anniversaire de la démolition de la maison Van Horne», 7 septembre 2023.
- «La campagne pour sauver la maison Van Horne échoue», La Presse, 10 septembre 1973,