Terrorisme : «Les victimes musulmanes sont beaucoup plus nombreuses»

le mardi 24 novembre 2015

L’imam Hassan Guillet qui a immigré au Québec il y a une quarantaine d’années se sent pris «entre deux feux» depuis les attentats de Paris et Saint-Denis, le 13 novembre.

«Je suis pris entre le feu de ces terroristes qui essaient de kidnapper l’islam et ternissent son image dans le monde en utilisant son nom pour commettre des crimes qui vont à l’encontre de tous ses principes qui prônent la paix, la justice, le caractère sacré et l’inviolabilité de la vie humaine», déclare le résident de Saint-Rémi qui est aussi le porte-parole du Conseil des imams du Québec.

«De l’autre côté, poursuit l’homme d’origine libanaise, je me retrouve face à l’hypocrisie de la politique internationale et celles des médias à travers le monde qui sont silencieux quand les attentats se produisent dans le monde musulman, mais font une tempête quand un attentat se produit dans une ville occidentale», poursuit celui qui a été imam (chef de la prière dans une mosquée) au centre musulman Al-Manara, rue Saint-Pierre à Saint-Constant.  

M. Guillet dénonce ce double standard qui le révolte et fournit aux terroristes «une terre fertile pour radicaliser les jeunes et les recruter.»  

«Une vie humaine est sacrée indépendamment de la religion ou l’origine nationale ou ethnique de la victime», rappelle l’avocat et ingénieur.  

Le Conseil des imams a d’ailleurs condamné avec force les événements récents de Paris.

Centres musulmans

À ceux qui craignent la présence des deux centres musulmans qu’on retrouve à Saint-Constant, Hassan Guillet rappelle que les musulmans sont des citoyens comme tout le monde.

«Les musulmans ont leur vie à vivre et leurs familles à faire vivre. Ils sont victimes du terrorisme comme tout autre citoyen à travers le monde, sinon plus. Il ne faut pas les victimiser davantage. Nos concitoyens ont tout intérêt à voir en nous des partenaires du vivre ensemble et non pas comme une menace ou comme un adversaire», conclut-il.

Dialogue

Il ne croit pas que les musulmans d’ici fassent les frais à la suite des tragiques événements de Paris.

«Je fais confiance au bon sens des Québécois. Par contre, je crains l’incompréhension engendrée par ceux qui essaient d’utiliser le nom de l’islam en violation des principes de l’islam. Je crains que ces derniers ne soient encouragés par une couverture médiatique pas très équilibrée et souvent maline et biaisée. Nous avons un rôle très important qui est celui de bien expliquer et faire sortir les réalités à nos concitoyens», affirme M. Guillet, maintenant imam à Saint-Jean-sur-Richelieu.

Son discours rejoint Valérie Amiraux, professeure de sociologie à l’Université de Montréal, qui appelle à un dialogue entre les musulmans et non-musulmans.

«Tant qu’il n’y aura pas de conversation possible, les gens vont demeurer dans la peur. Il faut que des questions puissent être posées et qu’on puisse y répondre avec des faits et des informations qui ont été vérifiées», affirme la chercheuse en faisant référence, sans le dire implicitement, à certains chroniqueurs.

Selon Mme Amiraux, cette peur est basée sur le fait que les gens croient à tort que «l’islam serait une source de discorde et qu’elle est incompatible avec la vie en démocratie», soutient-elle.