Un changement de nom qui coûte cher

le mercredi 9 décembre 2015

Au début des années 1940, Dolora Martel a changé son prénom pour Betty sans en aviser l’état civil. C’était sans savoir que des années plus tard, cette coquetterie lui causerait bien des maux de tête. À 93 ans et atteinte du cancer, elle est incapable d’obtenir une carte d’assurance maladie et les soins de santé nécessaires.

Au bout du rouleau, sa fille Francine Labrosse qui tente depuis des mois de lui obtenir une couverture a contacté Le Reflet. Prise dans des dédales administratifs, la Delsonnienne craint que sa mère ne termine sa vie dans des souffrances inutiles.

Dolora Martel a vécu toute sa vie au Québec. C’est alors qu’elle servait dans l’armée canadienne durant la Seconde Guerre mondiale qu’elle a décidé de changer de prénom.

«Il n’y a pas de raison particulière. À ce moment-là, les prénoms anglais étaient in, semble-t-il», soupire sa fille.

Surprise

Francine et Donald Labrosse ont vécu en Ontario avec Mme Martel de 2011 à 2015. Ils se sont établis à Delson le 31 juillet.

Après le déménagement, Mme Labrosse a commandé l’acte de naissance de sa mère dans le but de lui obtenir sa carte-soleil. C’est à ce moment qu’elle a su que sa mère n’était pas née avec le prénom Betty, puisque le bureau du Directeur de l’état civil ne trouvait aucune trace de cette personne.

Avec les informations que la famille a fournies, on leur a appris que le nom de baptême de Betty était en fait Dolora Alma Rose Martel. Une information que ses trois enfants ignoraient.

Incompréhension

Même si elle a désormais l’acte de naissance de sa mère, Mme Labrosse frappe un mur à la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ).

«Ils refusent de donner une carte santé à ma mère parce qu’ils disent qu’ils n’ont aucune trace de Dolora Alma Rose Martel, explique sa fille. Pourtant, elle n’a jamais fait de changement de nom officiel. Pour moi, c’est encore plus incompréhensible qu’elle ait déjà eu une carte au nom de Betty Martel.»

«Même si j’ai déjà envoyé une copie du passeport et d’une vieille carte santé de ma mère et que je me suis fait assermenter deux fois, une gestionnaire de la RAMQ m’a dit que le seul document qui serait accepté est un certificat de naissance où il serait inscrit: Dolora Alma Rose Martel, dit Betty», complète-t-elle.

L’angoisse

Mme Labrosse a contacté de nouveau le Bureau du directeur de l’état civil, le 2 novembre, et on lui a conseillé de remplir le formulaire de demande d’analyse préliminaire pour changement de nom.

Or, ce document stipule que le demandeur doit être au Québec depuis un an et plus pour faire cette demande et Mme Martel est de retour au Québec depuis seulement quatre mois.

En dernier recours, la RAMQ a conseillé à Mme Labrosse de contacter un notaire ou un avocat pour régler ce litige. En attendant, c’est l’angoisse.

Invité à réagir, le porte-parole de la RAMQ, Marc Lortie, a fait savoir qu’il ne pouvait commenter les cas particuliers.

Soins minimaux

Betty Martel a reçu un diagnostic de cancer du sein il y a deux ans. La maladie a progressé et est désormais incurable. «Les médecins de l’Ontario ont été super, indique sa fille qui l’héberge. Ils ont transféré le dossier de ma mère et ont fait les arrangements avec le CLSC pour que nous ayons des soins à domicile et de l’équipement quand nous sommes arrivés à Delson.»

Au Québec, les personnes arrivant d’une autre province demeurent couvertes par leur ancien régime pour une période de trois mois. La couverture du régime québécois débute généralement le premier jour du 3e mois.

La dame de 93 ans n’est donc plus couverte, mais reçoit toujours des soins palliatifs à la maison d’une infirmière de l’hôpital Anna-Laberge.

«Elle a un besoin urgent de médicaments, mais elle ne peut pas voir un médecin ou recevoir de nouvelles prescriptions parce qu’elle n’a pas sa carte d’assurance maladie. C’est un stress constant. L’infirmière nous a même dit de l’appeler si nous devions aller à l’hôpital parce que ça va être l’enfer.»