Un historien a suivi la trace des Nazis à l’Ile d’Anticosti

le mercredi 20 février 2019

L’historien Hugues Théorêt a su captiver plus de 80 personnes le lundi 18 février à la bibliothèque Armand-Frappier à Salaberry-de-Valleyfield, en présentant les recherches qui l’ont mené à la publication de son plus récent livre, L’expédition allemande à l’Ile d’Anticosti.
Déjà récompensé du Prix du Canada en sciences sociales en 2014 pour son livre Les Chemises bleues. Adrien Arcand, journaliste antisémite canadien-français publié en 2012, Théorêt est l’un des rares historiens à s’être penché sur cette face méconnue de la présence allemande en territoire canadien dans les années d’avant-guerre.
Pour la préparation de cet ouvrage, publié aux éditions Septentrion, l’historien campivallensien s’est rendu sur place, à l’Ile d’Anticosti, en juin 2010. La même année, il a également eu accès au dossier d’archives du gouvernement allemand sur le dossier Anticosti, lors d’un voyage à Berlin. Du bonbon pour ce chercheur, détenteur d’un doctorat en histoire canadienne et enseignant à l’Université d’Ottawa.
Position stratégique
Dans cette conférence présentée par la Société d’histoire et de généalogie de Salaberry, Hugues Théorêt a d’une part présenté l’histoire d’Anticosti, surnommée «la perle du Saint-Laurent», dont la vaste superficie en fait presqu’un continent en soi.

Hugues Théorêt a eu l’occasion d’accéder aux archives publiques du gouvernement allemand sur le dossier Anticosti. (Photo Journal Saint-François Pierre Langevin)

Il a particulièrement abordé les années d’avant-guerre alors que, dès 1936, l’Allemagne d’Adolf Hitler avait manifesté son intérêt pour acquérir l’île, sous des prétextes d’approvisionnement en ressources forestières. Anticosti aurait-il pu devenir un avant-poste stratégique pour les forces hitlériennes ?
Ses recherches démontrent comment ce dossier avait fait les manchettes à cette époque, non sans susciter l’inquiétude de la population et de nombreuses interventions politiques tant à Québec qu’à Ottawa.

L’ouvrage «L’expédition allemande à l’Ile d’Anticosti est publié aux éditions Septentrion. (Photo Septentrion)

 
D’ailleurs, c’est le refus officiel du premier ministre Maurice Duplessis de vendre cette île, annoncé au printemps de 1938, qui aurait mis un terme aux volontés des Allemands d’acquérir celle-ci. «Duplessis a vraiment passé pour un héros à la suite de ce refus», rappelle l’expert.
Malgré tout, «l’Affaire Anticosti» a semé son aura d’inquiétude jusqu’à la fin des hostilités en avril 1945, alors qu’une surveillance militaire y a été maintenue par la marine canadienne. L’historien Théorêt évoque d’ailleurs en détails les méfaits causés par la marine allemande dans les eaux du Golfe Saint-Laurent à partir de 1942, alors que pas moins de ses six sous-marins (U-Boot) sont parvenus à couler de nombreux navires, militaires ou affectés au ravitaillement.
«Ils n’étaient peut-être pas débarqués à l’Ile, mais ils connaissaient les fonds marins du fleuve par cœur», note-t-il.
Hugues Théorêt travaille actuellement sur un prochain ouvrage traitant de la perception qu’avaient les journaux canadiens-français à l’égard de l’extrême droite européenne pendant l’entre-deux-guerres.
 

L’histoire de l’Ile d’Anticosti a aussi été marquée par un de ses propriétaires, le richissime chocolatier français Henri Menier. (Photo Journal Saint-François Pierre Langevin)