Un rein de vie pour Paul et Reina Arseneault

le mardi 14 juin 2022

Depuis 50 ans, Paul Arseneault vit avec le rein de Reina. Sa sœur lui a fait cadeau de la vie alors qu’il en avait grand besoin. Un demi-siècle plus tard, c’est un véritable miracle de la médecine. 
«C’est ce qu’ils disent, répond le résident de Beauharnois lorsqu’on lui suggère qu’il est un surhomme. Lundi [le 6 juin], au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), les médecins m’ont félicité. Je suis comme un laboratoire ambulant. Il y a des choses qu’ils ne comprennent pas encore.»
En moyenne, on évalue entre 15 et 20 ans la durée de vie d’un greffé du rein. Et encore, en 1972 l’opération revêtait quelque chose d’expérimental au Québec. M. Arseneault n’était que le 35e de toute la province à se faire transplanter un rein.
À 20 ans, il a développé une maladie qui lui provoquait de graves maux de tête. On l’a traité pour une sinusite. Mais au bout de deux ans, les médecins ont découvert qu’un microbe était passé par ses amygdales pour lui détruire les reins.
Il a dû se soumettre à des douloureux traitements d’hémodialyse de six heures pendant huit mois. «J’avais tellement mal, se souvient le Beauharlinois. J’étais limité à cinq ou six onces de liquide par jour. On me donnait à ce moment deux mois à vivre.»
Les spécialistes lui ont alors parlé d’une greffe. C’était peu commun mais vu sa situation, M. Arseneault n’avait aucune crainte. «À 22 ans, tu n’as peur de rien.»

Ça fait 50 ans que Reina a prolongé ma vie. Merci de tout cœur. – Paul Arseneault

Les pourcentages de réussite augmentent si le donneur est un membre de la famille compatible. Il n’a pas osé faire ce type de demande à ses proches. Reina, sa sœur, est cependant allée passer les tests en catimini à l’hôpital. Le 5 juin 1972, lors de l’anniversaire de son frère, elle lui confirme qu’elle est compatible et lui annonce son cadeau de fête. 
«J’étais sû de moi-même, confie-t-elle. J’étais sûre que ça marcherait. Et si c’était à recommencer, je le referais.» Un cadeau incroyable qui fait dire à Paul que Reina représente sa deuxième mère.
Le 7 juin 1972, le Dr Pierre Daloze dirigeait une opération de huit heures. Un médecin aux doigts de fée, assurent Paul et Reina. D’ailleurs, ce docteur qui a récemment pris sa retraite a été le premier à procéder à une greffe de foie au Québec. «En ploguant le rein, ça a parti tout de suite», a confirmé Paul. «Il n’avait jamais vu un rein aussi fort que le mien», a poursuivi Reina. Il faut également considérer qu’à l’époque, les médicaments antirejet n’existaient pas; M. Arseneault a dû se contenter de cortisone à l’époque. 
Plus fort que la maladier
Après une convalescence, Paul Arseneault a pu reprendre sa vie active. Le musicien a toujours œuvré dans les clubs et l’univers du spectacle. Il l’avoue, le public et l’action lui ont permis de passer à travers.
Au fil des ans, il a notamment été propriétaire du Lakeview et de la Marina de Melocheville. Il a vendu ce commerce en 2015. La retraite n’était cependant pas au rendez-vous, lui qui a ensuite joué de la musique avec son fils Daniel. 
Malgré tout, la vie n’a pas été de tout repos. Il considère d’ailleurs l’Hôpital Notre-Dame comme sa résidence secondaire. «C’est plus facile pour moi de nommer les maladies que je n’ai pas eues, dit en riant le sympathique monsieur. Je prends 32 pilules par jour. Je pourrais écrire un livre de médecine.»
Après avoir vaincu trois cancers, souffert du diabète et de problèmes de dos pour ne nommer que ces afflictions, Paul Arseneault demeure serein. «Ça vaut la peine de vivre chaque jour de plus», a-t-il lancé. 
Il remercie sa famille, ses proches et ses amis. Celui que l’on pourrait qualifier de miraculé de la médecine souhaite que son histoire inspire. «Je veux donner de l’espoir, a-t-il poursuivi. Chaque fois que je vais à l’hôpital, je vois des greffés ou des gens en attente d’une opération. Ils sont heureux quand je leur dit que ça fait plusieurs années.»
Par le fait même, il incite les citoyens à donner leur accord pour le don d’organes. Ce n’est quand même pas banal de donner la vie en cadeau.

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Reina et Paul Arseneault espèrent que leur histoire en incitera plusieurs à signer leur accord pour le don d’organes. (Photo Le Reflet – E.T.)