Une annonce qui a le potentiel de sauver les médias écrits

le vendredi 23 novembre 2018

Alors qu’il a dévoilé son énoncé économique mercredi, le ministre des Finances du Canada, Bill Morneau a signalé son intention de déployer 595 M$ sur cinq ans pour venir en aide à l’industrie des médias écrits, qui vit des difficultés.
Dans le document gouvernemental qui vise une aide financière directe, il est ainsi indiqué que : Les Canadiens ont le droit de pouvoir consulter un vaste éventail de sources d’information indépendantes et de confiance, et le gouvernement a la responsabilité de s’assurer qu’ils ont accès à de telles sources d’information.
L’initiative qui coûtera près de 600 M$ permettra à des organisations d’information à but non lucratif de recevoir des dons de bienfaisance et d’émettre des reçus à des fins fiscales. Il sera aussi possible pour les médias d’instaurer un crédit d’impôt remboursable pour assurer une main-d’œuvre de qualité et appuyer la création de contenu d’information original.
L’industrie de la presse écrite qui lance des cris d’alarme depuis un bon moment accueille favorablement cette mesure qui permettra également d’instaurer un crédit d’impôt non remboursable de 15 % sur les frais d’abonnements à des médias numériques.

Cri d’alarme entendu

La FNC-CSN se déclare très satisfaite des mesures annoncées par le gouvernement en matière d’appui aux médias d’information.
« Enfin, notre cri d’alarme a été entendu. C’est une excellente nouvelle. Après avoir vu de nombreux journaux fermer les uns après les autres, le gouvernement fédéral reconnaît enfin l’ampleur de la crise et met en place des mesures concrètes. Ça va apporter de l’air à ceux qui restent », affirme Pascale St-Onge, présidente de la Fédération nationale des communications (FNC-CSN).
« Depuis des années, nous revendiquons un crédit d’impôt sur la masse salariale des médias d’information pour une raison bien simple : il s’agit de la mesure la plus appropriée pour nous assurer que l’appui financier cible le travail effectué par les journalistes, un travail fondamental pour notre démocratie. Nous sommes extrêmement satisfaits que le gouvernement Trudeau ait choisi cette forme d’appui », déclare Pascale St-Onge.
Il en va de même pour la Fédération professionnelle des journalistes du Québec. « Il s’agit d’un sérieux coup de main qui, selon nous, devrait aider les salles de rédaction à passer au travers de cette crise qui menaçait à moyen terme la survie du journalisme, pilier de la démocratie », estime le président de la FPJQ, Stéphane Giroux.
Ils ajoutent du même coup que la crise est profondément liée aux géants américains du web qui profitent du contenu journalistique produit par des salles de rédaction, sans verser de redevances. Les dirigeants de la FPJQ implorent du même souffle le gouvernement à réduire ses investissements publicitaires sur des plateformes comme Google et Facebook qui ne paient pas d’impôt au Canada et qui sont fortement responsables de la détresse économique des journaux. Une grande partie des revenus publicitaires ont migré vers ces plateformes, d’où la fermeture de nombreux journaux au pays et ailleurs dans le monde au fil de la dernière décennie.

Intervenantes soulagées

Marie-Ève Martel est l’auteure d’Extinction de voix, Plaidoyer pour la sauvegarde de l’information régionale. Son livre lancé cet automne a énormément fait jaser et elle s’est retrouvée sur de nombreuses tribunes pour défendre les intérêts des médias qui naviguent à travers cette crise. Elle s’est réjouie de l’annonce. « Enfin, le gouvernement se rend compte que l’information est un bien public. L’appel a été entendu et même si ce n’est pas parfait, c’est un pas en avant. Certes, même si d’autres journaux vont fermer, ça va permettre d’en sauver plusieurs, car il y a des gains à aller faire pour cesser l’hémorragie », plaide celle qui est journaliste professionnelle depuis 2010.
Julie Voyer, PDG de Gravité Média se réjouit du fait que le Gouvernement a enfin pris conscience de l’importance et l’urgence d’agir afin d’assurer une saine démocratie à travers le Canada. (Crédit photo : Le Reflet – Archives)
Idem pour Julie Voyer PDG et fondatrice de Gravité Média. « Cette annonce amène un nouveau souffle pour tous les artisans de la presse. Il est certain que ces mesures sont un premier pas en avant qui nous permettra de poursuivre notre mission, soit de livrer une information de qualité auprès des communautés que nous desservons », explique celle qui est à la tête de cinq journaux et d’un mensuel d’affaires. « Le sentiment d’appartenance est fort. Nous réussissons à nous démarquer au quotidien par la qualité de l’information traitée par nos journalistes chevronnés, des équipes dynamiques et engagées dans les communautés et par la diversification de notre offre auprès des entreprises », fait savoir Julie Voyer qui considère que les dernières années n’ont pas été de tout repos principalement avec la perte importante des revenus publicitaires liés en partie à l’automobile et aux avis publics. « Ce qui représente une baisse de près de 15 % », conclut la PDG.