Une chicane de voisins dégénère et coûte cher

le jeudi 4 octobre 2018

Une chicane à propos du stationnement dans la rue a coûté cher à deux résidents de la région. La querelle a dégénéré et s’est finalement réglée devant le juge, avec tous les frais et inconvénients que la chose implique.
Pendant dix ans, le couple MPPC et M. RB de Saint-Isidore ont occupé des bungalows voisins en entretenant une relation amicale, selon le jugement rendu par le juge Gérard Dugré, de la Cour supérieure, le 24 août.
La guerre commence en mai 2012. Le couple reproche à M. RB et son locataire de stationner leurs voitures dans la rue de manière à les empêcher de sortir leur roulotte en position sur leur terrain.
S’en suit une série de plaintes et de mises en demeure pour de la neige envoyée sur un terrain, la longueur du gazon, l’arrosage, des rondelles de hockey sur les autos et autres. Des accusations de diffamation, des menaces et des reproches concernant des caméras de surveillance figurent aussi au cœur du litige.
À l’été 2014, le couple obtient une injonction contre M. RB. Le tribunal lui ordonne de ne pas stationner son véhicule de façon à empêcher leurs voisins de sortir leurs véhicules ou bateau de leur terrain; de ne pas prendre de photos du couple, de leurs enfants et de leurs visiteurs à leur insu, et de ne pas utiliser de système de caméra captant le terrain de ses voisins. M. RB a écopé une amende de 1750 $ pour outrage au tribunal, pour ne pas avoir maintenu ses caméras sur la propriété voisine pendant neuf jours après le jugement, qui réglait temporairement un aspect du dossier.
Le couple actionne M. RB pour plusieurs milliers de dollars et demande à la Cour de lui ordonner de cesser plusieurs gestes. M. RB réplique en réclamant aussi des milliers de dollars à ses voisins.
 
Faits saillants du jugement
À la suite du procès portant sur l’ensemble de la cause, voici les principales conclusions du juge Dugré.
Le couple lui demandait d’ordonner au voisin de cesser de stationner tout véhicule de façon à nuire à la sortie de leurs véhicules. Le juge refuse en notant que le couple a écopé un constat d’infraction concernant l’entreposage de la roulotte devant la maison puisque le règlement municipal l’interdit. Le tribunal fonde principalement son refus sur le fait que «les demandeurs ne peuvent s’approprier l’espace public», en faisant référence à la rue.
Le juge refuse de prononcer une ordonnance de cesser de filmer ou photographier le couple sans permission puisque c’est déjà illégal. «À la lumière de la preuve, le tribunal est convaincu que le défendeur a maintenant compris qu’on ne peut photographier ou filmer une personne sans son consentement exprès. En conséquence, il n’est pas opportun pour le tribunal d’émettre une injonction permanente dans ces circonstances», écrit le juge Dugré.
Il confirme que, selon la loi, «le défendeur a le droit d’installer des caméras sur sa propriété pourvu que le champ de captation de celles-ci soit limité à sa propriété».
 
Condamné à 10 000 $
Le juge condamne M. RB a versé un total de 10 000 $ au couple pour les dommages subis. L’homme doit notamment payé pour avoir «mimé avec sa main un révolver tirant» sur son voisin. «Il s’agit d’un geste d’harcèlement fautif» entraînant sa responsabilité civile, estime le tribunal. M. RB doit aussi payer pour avoir fait un «geste menaçant» avec sa voiture envers sa voisine. Elle «a été traumatisée par ce geste fautif qui lui a causé un préjudice, notamment de la peur, du stress, des inconvénients et de l’anxiété», reconnaît la Cour.
Le couple ne sort pas gagnant de la poursuite qu’il a intentée. Il réclamait le remboursement de ses frais d’avocats se chiffrant à 28 954 $ en invoquant un abus de procédure. «Le tribunal ne constate aucun abus de procédure ni aucun abus du droit d’ester en justice par le défendeur», opine le juge Dugré, en rejetant la demande.
Aussi, il condamne le couple à payer 2500 $ à M. RB pour les «troubles de voisinage» qu’il lui a fait subir.
 
Paix souhaitée
En conclusion, le tribunal encourage les voisins à faire la paix. «Tant les demandeurs que le défendeur sont responsables de cette triste saga. Il est extrêmement malheureux que cette querelle entre voisins ait pris des proportions aussi alarmantes que démesurées, écrit le juge Gérard Dugré. Le moment est venu pour les parties de faire la paix et de se concentrer sur leurs propres affaires. Le tribunal souhaite que les parties puissent recréer une bonne relation de voisinage – comme celle qu’ils ont eue pendant 10 ans – afin de pouvoir jouir de leur propriété respective dans un climat serein.»
 
Caméras déconseillées
Au final, le juge Gérard Dugré émet une opinion défavorable à l’égard des caméras de surveillance. « Enfin, écrit-il, un mot sur les caméras installées à l’extérieur d’une propriété puisque la jurisprudence illustre qu’il s’agit d’une cause majeure de querelles coûteuses entre voisins. Il est vrai qu’un propriétaire peut installer un système de caméras extérieures pour surveiller sa propriété pourvu que leur champ de captation se limite strictement à sa propriété. Toutefois, ce propriétaire doit être conscient que si de telles caméras peuvent peut-être régler certains problèmes, il doit savoir que celles-ci peuvent aussi lui causer des problèmes beaucoup plus onéreux si sa propriété est entourée de voisins. En effet, il est possible qu’un voisin veuille s’assurer que le champ de captation des caméras est bel et bien limité à la propriété du propriétaire des caméras et, pour ce faire, avoir recours aux tribunaux. Ainsi, ses caméras pourraient entraîner le propriétaire dans des procédures judiciaires longues et coûteuses. En somme, à moins d’une justification raisonnable ou d’une fin légitime, un propriétaire devrait y penser à deux fois avant d’exercer son droit d’installer des caméras extérieures sur sa propriété si des voisins peuvent potentiellement s’en plaindre.»