Urgences à Anna-Laberge : des heures d’attente pour des cas prioritaires

le vendredi 28 octobre 2022

Au cours des derniers jours, des témoignages de patients et de docteurs du Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Ouest (CISSSMO) sur les réseaux sociaux ont mis la lumière sur les difficultés que rencontrent les urgences de la région. Un homme a même perdu la vie après avoir attendu trop longtemps à l’hôpital.

Le 22 octobre, un septuagénaire est décédé d’une rupture d’anévrisme à l’Hôpital Barrie Memorial d’Ormstown. L’homme de plus de 70 ans avait essayé le jour précédent de voir un médecin dans un autre hôpital de la région mais sans succès; il a dû patienter 16h aux urgences, avait indiqué le Dr Sébastien Marin, chef des urgences à l’Hôpital Barrie Memorial, en entrevue à Radio-Canada.

« C’est un cas qui a échappé au système, il n’aurait jamais dû attendre comme ça », a-t-il indiqué.

Selon le Dr Marin, les 16h à 20h d’attente qu’il peut y avoir dans les hôpitaux de la Montérégie-Ouest, mettent non seulement les employés sous une pression infernale, mais aussi à risque les patients.

Le Reflet n’était pas en mesure de savoir dans quel hôpital le patient décédé avait attendu à l’origine.

Cri du cœur

Deux jours avant ce tragique décès, une médecin de l’Hôpital Anna-Laberge avait sonné l’alarme sur les réseaux sociaux à propos de la situation intenable dans les urgences de l’établissement de santé.

La Dre Gabrielle Voisine estime qu’« il y a eu le rattrapage de beaucoup de situations near miss où la condition de plusieurs patients s’est gravement détériorée lors de l’attente excessive pour voir un médecin ».

Selon la docteure, les conditions de travail seraient « exécrables » et ne feraient qu’empirer la pénurie de personnel tout comme les enjeux de manque de matériel et de fluidité entre les équipes.

Un cas prioritaire attend 21 heures

Une résidente de la région, qui a préféré garder l’anonymat, a raconté au Journal sa récente mésaventure aux urgences d’Anna-Laberge.

Il y a quelques jours, Manon (prénom fictif) est allée retrouver un ami malade en perte d’autonomie à l’hôpital de Châteauguay et qui attendait dans un fauteuil roulant à l’urgence.

« Il est arrivé à 2h de l’après-midi le samedi, le lendemain à 6h du matin, un membre du personnel nous a annoncé qu’il y avait encore seulement un seul médecin en service. On a dû attendre 21h au total », a-t-elle relaté abasourdie.

La salle était totalement surchargée et il y avait beaucoup de gens debout, a précisé la résidente de Saint-Michel. Aucune place pour s’asseoir n’était disponible pour les nouveaux arrivants.

Manon a compris que la situation aurait pu mal tourner lorsqu’un médecin est venu les voir après les nombreuses heures d’attentes. « Quand il a vu mon ami, il a dit que c’était un P1 (cas prioritaire) et qu’il n’aurait jamais dû attendre tout ce temps aux urgences! ».

Repenser le plan d’action

Bernard Cyr, directeur général adjoint de santé physique au Centre intégré de santé et de services sociaux de Montérégie-Ouest (CISSSMO), admet que le manque de personnel est un coup dur pour le système de santé.

M. Cyr, qui est aussi Inhalothérapeute, souhaiterait une refonte du système professionnel de façon à potentialiser le plus possible les connaissances des travailleurs. « On doit être capable de rebalancer les actes et les actions des professionnels sur le terrain, on ne les utilise pas à leur plein potentiel », a indiqué celui qui souhaiterait moins de comités d’étude et davantage de gestes concrets.

À titre d’exemple, il explique qu’une infirmière auxiliaire devrait avoir le droit d’évaluer un patient à l’hôpital au lieu de devoir se référer absolument à une infirmière. Selon lui, « c’est comme ça qu’on perd deux heures très facilement ».

À ceux et celles qui disent d’éviter l’Hôpital Anna-Laberge à tout prix, le Dr Cyr leur répond que ce n’est pas la bonne façon de penser.

« Je me ferais soigner, tout comme ma famille, à Anna-Laberge, au Suroit ou à Barrie Memorial n’importe quand. J’ai pleinement confiance en eux, a-t-il relaté. C’est parfois difficile d’y entrer comme on peut le voir, mais une fois dedans, on a de maudit bons soins comme dans le reste du Québec! »