VIDÉO – Pris en otage à cause d’une voie ferrée

le jeudi 17 mars 2022

Les résidents d’un quartier traversé par une voie ferrée à Delson en sont restés prisonniers le 15 février, lorsqu’un train du Canadien Pacifique (CP) a dû s’arrêter d’urgence sur la rue des Roitelets pendant plus de trois heures, empêchant ainsi toute circulation. Frustrés de se sentir «coupés du reste du monde», ils réclament l’aménagement d’une nouvelle voie pour désenclaver le secteur.  

 

 

«Nous avons été pris en otage dans notre propre quartier.» C’est ainsi que Peggy Drouin résume la situation dans laquelle elle et ses voisins ont été plongés il y a près d’un mois. Celle qui réside rue des Pommetiers depuis 11 ans n’a pas pu retourner chez elle pour dîner lors de sa pause au travail. Sur place, elle a constaté qu’un convoi du CP entravait le passage à niveau de la rue des Roitelets, le seul axe routier qui permet de quitter le quartier et de rejoindre la rue Principale Sud.  

«Je voyais des gens se frayer un chemin sous le train pour tenter de passer. Ils n’avaient pas le choix. Ce n’est pas normal!» répète la citoyenne, qui affirme n’avoir vu aucun agent de sécurité ou employé du CP sur les lieux pour rassurer les résidents.

Selon Mme Drouin, le problème ne date pas d’hier. La Delsonienne garde en mémoire un soir de Noël, «il y a environ 6 ou 7 ans», où un train bloquait le passage au même endroit.

«J’étais avec mon conjoint, ma fille et notre chien. Le conducteur qui nous avait ramenés à la maison avait dû s’arrêter à la voie ferrée. Nous avions traversé en passant sous le train», se souvient-elle.

Inquiétude

Résidente de la rue des Érables depuis 15 ans, Sophie Larivière dit pour sa part avoir partagé ses craintes à la Ville de Delson à plusieurs reprises ces dernières années. Le drame survenu en 2013 à Lac-Mégantic avait alors augmenté son degré d’inquiétude.

«J’ai demandé à la Municipalité si elle avait un plan en cas d’urgence et elle m’a répondu que oui. Force est de constater que ce n’est pas le cas, à la lumière de ce que nous avons vécu», soutient celle qui travaillait chez elle, le 15 février.  

«Moi, je n’ai pas eu de problème de déplacement, mais des enfants ont manqué l’école et des gens n’ont pas pu se rendre au travail», enchaîne-t-elle.

Mme Larivière maintient elle aussi ne pas avoir vu d’employé de la Ville ou du CP aux abords du train pour informer les citoyens.

«Ce n’est pas tout le monde qui a Facebook pour être au courant de ce qui se passe», fait-elle remarquer en référence aux publications de la Municipalité de Delson et du CP sur les médias sociaux pendant l’incident.

Mmes Larivière et Drouin préfèrent ne pas imaginer ce qui se serait arrivé si des services d’urgence, comme les pompiers ou les ambulanciers, avaient été appelés à intervenir de l’autre côté du passage à niveau.

«Quoi faire en cas d’incendie, d’accident? Si moi, je ne pouvais pas passer, comment les secouristes auraient-ils pu le faire?» se questionne Mme Drouin, une pointe de sarcasme dans la voix.  

Inacceptable, dit la Ville

Les résidents du secteur touché, près de 200 portes, ont reçu une lettre de la Ville de Delson dans les jours qui ont suivi l’incident. Celle-ci informe que la Municipalité a déposé une demande de rapport écrit au CP afin que la lumière soit faite sur les circonstances entourant l’événement. À ses yeux, «l’absence de communication et de mesures d’urgence lui est apparue inadmissible».

Pour Mme Larivière, l’envoi a eu toutefois l’effet contraire.  

«Ça m’a fâchée, j’ai trouvé leur message insultant. La Ville rejette toute la responsabilité sur le CP, alors qu’il revient aussi à elle de nous sortir de là», estime-t-elle.

À son avis, une autre voie en direction de Saint-Constant, dans le secteur des B, devrait être aménagée pour donner une seconde option aux automobilistes.

Quant à la rue de la Station, aménagée en poussière de roche, elle appartient à la compagnie ferroviaire, qui l’a elle-même fermée il y a quelques années, rappelle la Ville.

«L’ancien passage à niveau qui était situé à 100 mètres de celui des Roitelets n’est pas une alternative. Le convoi bloquait les deux passages de toute façon», note Sylvain Laporte, directeur du développement économique de la Ville de Delson.

Ce dernier confirme au Journal que des élus, des pompiers et des policiers ont rencontré des représentants du CP le 24 février, afin de leur partager leurs «insatisfactions».

«Ce que la Ville et les citoyens ont subi le 15 février est inacceptable. La Ville n’a pas juridiction, mais elle cherche à protéger la population de telles situations. C’est maintenant un des dossiers les plus prioritaires pour le conseil municipal», assure M. Laporte.

Une défectuosité et une rotation d’employés en cause

Le Canadien Pacifique indique au Journal qu’une défectuosité «à corriger immédiatement» a incité le personnel à stopper complètement le convoi à la hauteur de la rue des Roitelets, le 15 février.

«Celle-ci a été relevée par l’un de nos détecteurs en bordure de voie», précise Stacy Patenaude, gestionnaire des communications du CP.

Cette dernière fournit une explication pour la durée prolongée de la panne.

«Au moment de l’incident, l’équipe de train en poste approchait de son nombre maximal d’heures de service autorisées. Conformément aux règles relatives aux périodes de service et de repos du personnel d’exploitation ferroviaire approuvées par le ministre des Transports, une équipe de remplacement était nécessaire pour faire fonctionner le train et dégager le passage à niveau», a-t-elle fait savoir.

Elle dit, au nom du CP, regretter «que cet incident se soit produit» et reconnaît qu’il a causé des «inconvénients à certains résidents de Delson ce matin-là». 

Ce à quoi la Ville répond qu’elle «ne peut pas accepter que des citoyens soient captifs de leur quartier parce qu’un train s’arrête pendant 3h30 pour des raisons de choix d’opération», souligne M. Laporte.

Que dit la loi ?

Le Règlement sur les passages à niveau du ministère des Transports du Canada est formel: «les trains ne doivent pas bloquer un passage à niveau public pendant plus de cinq minutes lorsqu’un usager de la route doit le franchir, à moins que le train ne soit en mouvement. Quand des véhicules d’urgence doivent traverser, les compagnies de chemin de fer doivent immédiatement dégager le passage à niveau».

La Ville de Delson a indiqué au Reflet qu’elle compte avoir recours «aux démarches juridiques pour faire respecter la loi».