Francine et André se fréquentent depuis trois ans et demi, mais font maison à part par choix.
«On aime ça comme ça, explique la Sainte-Catherinoise de 66 ans qui demeure dans un condo. On aime garder chacun notre espace respectif. »
«Je suis entièrement d’accord», répond son conjoint de 68 ans.
À sa deuxième relation du genre, il se réjouit d’avoir trouvé une compagne qui est sur la même longueur d’onde que lui. L’homme estime que leur relation fonctionne bien parce que ni l’un ni l’autre n’est jaloux ou possessif.
«On s’aime beaucoup, mais on ne s’étouffe pas», ajoute-t-il.
Le couple habite à quelques minutes de distance depuis qu’André s’est rapproché et se voit tous les jours, y compris la fin de semaine. Néanmoins, il n’est pas question pour Francine ou André de découcher ni de passer la soirée dans le salon de l’autre.
«Moi, je suis une couche-tôt et lui, c’est un couche-tard. De plus, il aime les émissions de sport alors que j’écoute des téléromans», rapporte la dame.
L’homme et la femme se sont entendus sur cette dynamique amoureuse dès le départ. «On n’a pas l’intention que ça change», affirment-ils.
À son âge, Francine n’a plus envie de faire de concessions. Elle tient aussi à garder son indépendance matérielle et financière. Son cheminement est le fruit de ses expériences du passé. Après son divorce, elle s’était fait un nouveau chum avec lequel elle était allée vivre jusqu’à ce que les choses tournent au vinaigre.
«J’avais vendu toutes mes affaires, se souvient-elle. Je me suis retrouvée avec rien et il m’a fallu prendre un appartement et tout recommencer.»
Selon Martin Turcotte, analyste principal à la Division de la statistique du travail à Statistique Canada, la tendance des couples vivant chacun chez soi est appelée à se populariser en particulier chez les 60 ans et plus avec l’augmentation de veufs et veuves. Il considère d’ailleurs le phénomène d’un très bon œil.
«Les relations de couple vivant chacun chez soi pourraient constituer une source de soutien émotif et contribuer au bien-être de certains ainés», a-t-il observé dans un article à ce sujet.
Prendre son temps
Caroline (prénom fictif), 42 ans, vit une relation amoureuse depuis six mois sans pour autant habiter avec son Lavallois. Auparavant, la maman a entretenu pareille relation avec un autre homme pendant deux ans et demi.
«Ça se vit bien, dit la résidente de Delson qui se réjouit de pouvoir faire ce choix aujourd’hui. Plus jeune, je n’avais pas cette autonomie financière.»
Comme dans le cas de Francine, ses ruptures précédentes l’ont amenée à vouloir prendre son temps pour ne plus risquer de tout perdre et d’avoir à recommencer à zéro.
«Je suis bien dans ma peau, je ne ressens pas le besoin de mematcher rapidement, affirme celle qui évite aussi les difficultés de la vie de famille recomposée. J’aime être dans mes affaires, j’apprécie mes moments de solitude.»
Néanmoins, Caroline voit son chum régulièrement. Elle tire autant d’avantages que d’inconvénients de son type de vie.
«Il faut un peu plus d’organisation parce qu’on est à deux ponts de distance. C’est un peu moins spontané, avoue-t-elle. D’un autre côté, quand je vis des moments plates, je reste à la maison [au lieu de lui faire subir].»
Le couple envisage la vie à deux au quotidien d’ici quelques années.
Le choix d’un couple sur 10
En 2011:
-7,4% des Canadiens de 20 ans et plus étaient en relation amoureuse sans pour autant vivre sous le même toit, soit une légère baisse par rapport à 2011 (8,4%).
– Chez les 20-24 ans, près d’une personne sur trois était en couple (31%) sans partager la même adresse. Les études et le coût pour se loger constituaient leurs obstacles principaux. La proportion diminuait à 17% chez les 25-29 ans et variait entre 3% et 5% au sein des 30-59 ans.
-80% des jeunes adultes en couple vivant séparément avaient l’intention d’habiter un jour avec leur conjoint contrairement à 30% des 60 ans et plus.
– Un couple sur dix n’habitant pas ensemble n’avait pas l’intention de revoir son mode de vie.
– La moyenne des relations de couple chacun vivant chez soi était de 2,3 ans chez les 20-29 ans, comparé à 3,8 ans pour les 40-49 ans et à 7,5 ans pour les 60 ans et plus.
-20% des couples vivant séparés demeuraient à moins d’une heure de route, contre 34% de 30 minutes à 1 heure et 45% dans le voisinage.
-42% des couples vivaient ainsi par obligation (ex: le travail) et 39% par choix.
-La moitié de ceux qui ne partageaient pas le quotidien avec leur amoureux le faisaient parce qu’ils ne s’en sentaient pas prêts. Chez les gens plus âgés, c’était par désir d’indépendance.
(source: Regard sur la société canadienne écrit par Martin Turcotte, analyste principale à la Division de la statistique du travail à Statistique Canada à partir des données de l’Enquête sociale générale (ESQ) de 2011 et de 2001.)